Dans un message radio diffusé par l’ONG Sea-Watch, les autorités libyennes ont exhorté hier d’un ton menaçant l’équipage du navire humanitaire allemand à quitter la zone de sauvetage où il se trouvait. Au risque de se faire « emmener en Libye ». Ce n’est pas la première fois que l’ONG fait face aux menaces des autorités maritimes libyennes en mer Méditerranée.
« Dégagez de la zone, sinon nous vous emmenons avec nous en Libye, c’est clair ? ». Voici le message reçu par le Sea Watch 4 de la part des garde-côtes libyens, jeudi 18 novembre. Sur l’enregistrement radio diffusé par l’ONG allemande sur Twitter, l’injonction est martelée à plusieurs reprises, et l’interlocuteur est nerveux. « Vous connaissez les règles en Libye. C’est compris ? Partez immédiatement ! », martèle-t-il.
Un membre de l’équipage du Sea Watch 4 lui rétorque alors que le navire n’est pas dans la SAR zone libyenne (zone de détresse et de sauvetage) mais dans les eaux internationales, à « plus de 40 miles au nord des côtes libyennes ». Et qu’il a donc tout à fait le droit de naviguer à cet endroit.
Peu de temps avant l’altercation, les équipes de l’ONG avaient porté secours à 90 personnes, dont des femmes enceintes et des enfants, en détresse à bord d’un « canot pneumatique surpeuplé ». Tout près de là, un bateau libyen patrouillait déjà, avec six migrants à bord. « Pris de panique », ces derniers ont sauté à l’eau pour tenter de rejoindre le navire de l’ONG. Ils ont finalement, eux aussi, été secourus par le Sea Watch 4.
« Éloignez ce putain de navire ! »
Le ton est rapidement monté d’un cran. « Sauvetage en mer ? [Plutôt] un nouveau duel avec les pseudo-sauveteurs allemands », a commenté sur Twitter le compte Migrant rescue watch, proche des garde-côtes libyens. « Ces bâtards ont presque tué des gens aujourd’hui ». Et de réitérer les menaces à l’encontre de Sea Watch : « Éloignez ce putain de navire avant que d’autres innocents ne perdent la vie. MAINTENANT ».
Ce n’est pas la première fois que le bateau est menacé par les garde-côtes libyens. Fin juillet, sur un autre extrait audio diffusé par l’ONG, on entend les autorités libyennes exhorter le navire humanitaire à quitter la zone, et menacer l’équipage de l’ »arrêter » s’il n’obéit pas aux ordres.
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D’après la porte-parole de Sea-Watch Mattea Weihe, les garde-côtes ont déjà à plusieurs reprises « tenté d’intimider l’équipage en encerclant pendant un long moment leur navire », avait-elle assuré à InfoMigrants.
Plus de 32 millions d’euros alloués par l’UE aux garde-côtes libyens
Si pour les humanitaires en mer, la « cohabitation » avec les autorités libyennes est très difficile, ces derniers sont pourtant soutenus par l’Union européenne (UE) dans leur gestion des flux migratoires. Et notamment par l’Italie. En juillet dernier, le Parlement du pays a renouvelé son soutien financier et matériel aux garde-côtes libyens, dans le but de stopper les embarcations de migrants en mer Méditerranée. Depuis 2017, Rome leur fournit notamment des vedettes rapides permettant d’intercepter les migrants.
D’après un rapport de l’ONG Oxfam, « 32,6 millions (d’euros) au total ont été alloués aux garde-côtes libyens depuis 2017 », date de la signature du premier accord entre l’Italie et la Libye.
Depuis le début de l’année, 29 427 personnes ont été interceptées en mer par les autorités libyennes, contre 11 891 pour l’ensemble de l’année dernière, d’après les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Pour ces migrants, les désirs de nouveaux départs sont bien souvent compromis. De retour en Libye, la majorité d’entre eux sont transférés dans les centres de détention du pays, où ils risquent torture, violences diverses et exploitation.
La rédaction tient à rappeler que les navires humanitaires (Ocean Viking, Sea Watch, Mare Jonio…) sillonnent une partie très limitée de la mer Méditerranée. La présence de ces ONG est loin d’être une garantie de secours pour les migrants qui veulent tenter la traversée depuis les côtes africaines. Beaucoup d’embarcations passent inaperçues dans l’immensité de la mer. Beaucoup de canots sombrent aussi sans avoir été repérés. La Méditerranée reste aujourd’hui la route maritime la plus meurtrière au monde.
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