Face à la crise que traverse leur pays, les expatriés libanais voient de l’espoir dans les élections législatives, prévues pour le 27 mars 2022. L’espoir d’un changement, alimenté par la décision du Parlement de modifier la loi électorale, qui permet aux expatriés de voter pour 128 sièges au lieu de six. À l’approche de la date limite d’inscription, les réseaux de la diaspora du monde entier se mobilisent pour encourager les Libanais expatriés à s’inscrire.
Après avoir passé la majeure partie de leur vie à l’étranger, Youmna Debs Bekhazi et sa famille ont décidé de rentrer au Liban en 2016. Quatre ans plus tard, ils ont à nouveau fait leurs valises à la recherche d’un avenir meilleur.
« La vie était mouvementée, mais agréable au Liban. Nous avons aimé être entourés de notre famille et voir nos enfants se connecter à leurs racines », déclare Debs Bekhazi. « Néanmoins, cela n’a pas duré longtemps et nous n’avons pas eu d’autre choix que de partir pour la Roumanie après l’explosion du port de Beyrouth qui a détruit notre maison et la crise économique qui nous a pris toutes nos économies. »
Malgré la déception, l’espoir de changement de Youmna et de sa famille les a poussés à s’inscrire pour voter pour les prochaines élections législatives qui auront lieu le 27 mars 2022.
« Je crois que les élections sont la graine du changement dont nous avons tous besoin, déclare-t-elle. « Si la situation s’améliore, nous retournerons au Liban sans hésiter ».
« Davantage d’expatriés s’engagent dans le processus démocratique »
Vendredi 19 novembre, on enregistrait un total de 210 033 expatriés inscrits pour les élections de 2022 selon le ministère des Affaires étrangères. Soit plus du double du nombre d’inscrits à l’élection de 2018 (environ 82 000).
« Cette augmentation indique que davantage d’expatriés s’engagent dans le processus démocratique », affirme Zeina Mokaddam, membre de Nahwal Watan, une plateforme pour le changement politique et le renouveau socio-économique.
Ralph Debbas, expatrié libanais vivant à New York, fait partie de ceux qui n’ont pas voté en 2018, mais il s’est déjà inscrit pour les élections de 2022. Il encourage les autres à faire de même.
Des expatriés libanais à New York, en novembre 2021. © Sally Farhat
« Alors que nous sentions qu’il y avait une crise [en 2018] et que nous savions que le gouvernement était corrompu, nous pensions que nous avions peu de chances de changer quoi que ce soit en raison du manque d’unité et de leadership », explique-t-il à France 24. « Cette fois, cependant, nous sommes unis, poursuit-il. Le catalyseur a été principalement l’explosion du 4 août, mais également la crise qui a commencé avant. »
La tendance actuelle des inscriptions prévoit une croissance moyenne de 5 à 8,5% du nombre d’inscrits par jour jusqu’au 20 novembre, selon Ana Al Arar, un groupe libanais indépendant engagé pour un changement constructif.
Nancy Stephan Jabra, membre du Réseau de la diaspora libanaise (TLDN), explique que plusieurs raisons contribuent à ce succès. Parmi elles, les efforts de mobilisation et les initiatives menées à l’échelle mondiale pour encourager les expatriés à s’inscrire.
« En 2018, le gouvernement et les ambassades libanaises situées dans le monde avaient une portée très limitée », analyse Stephan Jabra. « Cette fois, les réseaux de la diaspora font le travail du gouvernement en encourageant et en aidant les gens à s’inscrire. »
Des campagnes sur les réseaux sociaux aux événements sur le terrain, en passant par les marathons d’inscription de 24 à 48 heures, les expatriés libanais de toutes les régions du monde ont uni leurs forces pour sensibiliser à l’importance du vote.
« Les campagnes sur les réseaux sociaux se sont avérées les plus efficaces auprès des personnes qui n’ont besoin que d’un coup de pouce pour s’inscrire. Pour les plus réticents, les appels Zoom ou WhatsApp fonctionnent mieux », précise Ghassan Hassan, membre de Nahwal Watan, affirmant qu’il fait du bénévolat près de cinq heures par jour. « Nous aidons également certaines personnes à résoudre les problèmes techniques rencontrés lors du processus d’inscription. »
Cristine Kahil, fondatrice de l’Échange de la diaspora libanaise au Canada et bénévole dans plusieurs groupes de la diaspora, a également participé à des actions de communication offline. « J’ai imprimé des dépliants, je me suis rendue dans certains établissements et je les ai déposés », explique-t-elle.
« Nous avons également organisé des événements publics où les gens pouvaient s’arrêter et s’inscrire. C’était une façon de mettre le numérique dans la vraie vie pour donner envie aux gens de s’inscrire. »
Une prise de conscience politique accrue
À l’approche de la date limite d’inscription, la question qui demeure est de savoir si ceux qui se sont inscrits iront réellement voter aux élections de 2022.
Selon Mokaddam, la participation électorale dépendra de la facilité d’accès aux centres de vote dans le monde et des efforts déployés par le ministère libanais des Affaires étrangères à cet égard.
« Si les gens doivent voyager d’une ville, d’un État ou d’un pays à un autre, nous verrons le nombre d’électeurs baisser, explique Mokaddam. Cependant, si le gouvernement, sous la pression de la communauté internationale, organise une élection sans heurts, nous pouvons nous attendre à 70 %, ou plus, de participation ».
Pour s’assurer que les expatriés enregistrés aillent bien voter, Stephan Jabra souligne que le réseau TLDN a prévu plusieurs événements, dont une campagne avec l’Association libanaise pour les élections démocratiques (LADE) afin d’accroître les connaissances politiques et civiques. D’autres réseaux de la diaspora ont également prévu plusieurs actions.
Selon Stephan Jabra, quel que soit le taux de participation, les résultats de cette élection seront remarquables compte tenu de la prise de conscience politique accrue des Libanais, au Liban et à l’étranger, elle-même liées aux événements des trois dernières années.
Adapté de l’anglais par Pauline Rouquette. Retrouvez ici la version originale du reportage de Sally Farhat.
L’article Liban : les expatriés mobilisés pour les élections de 2022, la “graine” d’un changement nécessaire est apparu en premier sur zimo news.
