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La mort de Jakucho Setouchi, écrivaine et grande voix féministe au Japon

L’autrice japonaise Sakucho Setouchi, à Kyoto (Japon), le 1er juin 2017 KEIJI UESHO/AP

Jakucho Setouchi, nonne bouddhiste et romancière populaire, qui fut proche de Tanizaki, Kawabata et Mishima, est morte le 9 novembre, à Kyoto, à l’âge de 99 ans. Avec elle s’éteignent non seulement un pan de la mémoire littéraire du Japon de l’après-guerre à nos jours mais aussi une grande voix féministe, antinucléaire et pacifiste, empreinte de sagesse bouddhique – une voix charismatique du contre-pouvoir, dans un pays ultraconservateur.

Née le 15 mai 1922, sous le nom d’Harumi Setouchi, dans une famille de marchands d’articles bouddhiques, elle est encore étudiante à l’Université chrétienne de jeunes filles de Tokyo quand elle épouse, en 1943, un professeur qu’elle suit en poste à Pékin. Le mariage ne dure guère. Remarquée dès ses débuts d’écrivain en 1957, Harumi accède à la célébrité en 1963 avec le récit des aventures amoureuses à l’origine de son divorce : La Fin de l’été (Picquier, 1999) obtient le Prix de littérature féminine, mais fait scandale.

La romancière poursuivra néanmoins avec opiniâtreté l’exploration du thème de la liberté des femmes. Au fil de biographies consacrées à des héroïnes des ères Meiji (1868-1912), Taisho (1912-1926) et du début de l’ère Showa (1926-1989), son œuvre retrace à la fois l’histoire du féminisme japonais, dont elle fut aussi un chaînon, et le long chemin parcouru par les écrivaines modernes de son pays. Qu’il s’agisse des fondatrices de Seito (« bas bleu »), la première revue féministe créée en 1911, de l’écrivaine militante Toshiko Tamura, de l’anarchiste Suga Kanno, de Noe Ito, qui prônait l’amour libre, elle décrit des femmes assumant, parfois au prix de leur vie, leur liberté de mœurs et de pensée – à l’encontre de l’image stéréotypée d’épouses japonaises soumises à l’autorité masculine.

« Pilier spirituel »

Elle s’attache aussi à des figures de « femmes rebelles » du Japon ancien ou de moines bouddhistes célèbres (Hana ni toe, « demande aux fleurs », prix Tanizaki 1992, non traduit). Sa version en langue contemporaine du Dit du Genji, œuvre d’une dame de cour du XIe siècle, lui vaut également un prix en 1998. On lui doit enfin de nombreux récits dans la veine du shishosetsu (« roman autobiographique »), consacrés tant à sa vie de femme adultère qu’à son entrée dans les ordres (Basho, « lieux », prix Noma 2001, non traduit) puis, les années passant, à la vieillesse et la préparation à la mort. Considérée comme un véritable « pilier spirituel » par les écrivains et écrivaines d’aujourd’hui, elle est décorée en 2006 de l’ordre du Mérite culturel.

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