Narendra Modi a pris tout le monde de court. Le premier ministre indien a décidé d’annuler sa réforme agricole contre laquelle les paysans protestent depuis plus d’un an en maintenant des blocus aux portes de New Delhi, la plus longue et massive protestation depuis l’indépendance de l’Inde en 1947. Le chef du gouvernement a fait une annonce surprise à la nation, à 9 heures, vendredi 19 novembre.
« Nous allons entamer le processus constitutionnel d’abrogation de ces trois lois lors de la cession parlementaire qui débute à la fin du mois », a t-il déclaré. Ces lois, adoptées par le Parlement en septembre 2020 sans concertation avec les syndicats, modifiaient les conditions de vente des produits agricoles, et libéralisaient le commerce en l’ouvrant aux investisseurs privés.
Elles réformaient surtout le système des « mandis », les marchés régulés par l’Etat, qui garantissaient aux agriculteurs d’écouler leurs produits essentiels, comme le blé ou le riz, à un prix minimal. Ce point était capital pour les paysans indiens, très pauvres en grande majorité, endettés et ne possédant que de petites parcelles. Ils craignaient d’être broyés par les négociants et de perdre une partie de leurs revenus.
Crainte d’un revers électoral
« J’appelle tous les agriculteurs participant aux manifestations à rentrer chez eux, à retrouver leurs proches, leurs fermes et leurs familles, en ce jour propice de Guru Purab. Prenons un nouveau départ, allons de l’avant », a lancé Narendra Modi. L’annonce du premier ministre intervient en effet à un moment-clé, le jour de la naissance de Guru Nanak, le fondateur du sikhisme. Or, parmi les manifestants, une grande majorité sont des Sikhs du Pendjab et le gouvernement avait tout à craindre d’un revers électoral, deux ans avant les élections générales.
Après un an de vaines négociations, puis d’oubli – le gouvernement feint depuis des mois d’ignorer la contestation –, le geste de Narendra Modi est éminemment politique. Deux scrutins-clés vont en effet avoir lieu début 2022 au Pendjab et en Uttar Pradesh, deux hauts lieux de la contestation paysanne.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, dans l’État d’Uttar Pradesh, le 16 novembre 2021. – / AFP
Le Pendjab est actuellement entre les mains du Congrès, mais ce dernier s’est récemment déchiré dans des querelles internes, et la formation de Narendra Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP, droite nationaliste hindoue), veut faire alliance avec l’ancien ministre en chef Amarinder Singh pour conquérir le Pendjab. Ce dernier avait pourtant éreinté la réforme, lors de son adoption, destinée selon lui « à remplir les poches des copains capitalistes du BJP, au détriment des pauvres agriculteurs, qui seront la proie des grands requins ».
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