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Dans la Manche, les sauveteurs au secours des migrants redoutent « le point de rupture »

L’équipe de la SNSM de retour sur le port de Dunkerque, après avoir secouru une cinquantaine de personnes, le 16 novembre 2021. AIMEE THIRION POUR « LE MONDE »

Désormais, passeurs, policiers, sauveteurs, associations, scrutent la force du vent et la hauteur des vagues dans la Manche. Lorsque la mer est plate, tous pensent : « C’est un temps de migrants ». Et ils se tiennent prêts.

Depuis 2018, les traversées de la Manche à bord d’embarcations de fortune, ont explosé. Cette année, plus de 23 000 migrants sont parvenus à gagner les côtes anglaises depuis le littoral français. Et plus de 7 000 ont été secourus en détresse et ramenés à terre, côté français. A titre de comparaison, sur la même période, 34 000 personnes ont rejoint l’Espagne par le détroit de Gibraltar et les îles Canaries ; et moins de 8 000 sont arrivées en Europe par les îles grecques. Des chiffres qui en disent long sur l’ampleur d’un phénomène qu’on croyait réservé à la Méditerranée. Alors que l’hiver est proche, et que la température de l’eau baisse, les records de traversées continuent d’être battus. Et drainent leur lot de morts par noyade ou hypothermie. Cette année, trois personnes sont décédées et quatre autres ont disparu, selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord. Certains marins redoutent un bilan plus lourd encore. Les courants de marée sont tels dans le détroit du Pas-de-Calais qu’ils emportent les corps vers le Nord. En janvier, la police norvégienne a retrouvé sur ses côtes le cadavre d’un bébé de 15 mois qui avait disparu dans la Manche le 27 octobre 2020. Ce jour-là, toute sa famille, des Kurdes d’Iran, avait péri dans le naufrage de leur embarcation.

Il est 6 h 45 mardi 16 novembre quand les bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Dunkerque (Nord) reçoivent une alerte. Moins de vingt minutes après, ils sont dix à monter à bord du bateau de l’association, un canot-tout-temps de 17 mètres. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais), qui coordonne toutes les opérations de secours dans la zone, les a prévenus qu’une embarcation avec 32 personnes à bord, dont un bébé, demande assistance. Sa dernière position connue la situe au large de Calais (Pas-de-Calais), à une heure environ de navigation.

Depuis le début de l’année, la SNSM de Dunkerque a réalisé 45 sauvetages, contre 19 en 2020. Cette nuit-là et dans la journée de mardi, 272 personnes seront secourues au total, par des moyens de l’Etat, d’autres bateaux de la SNSM ainsi qu’un navire de commerce. Et plus de mille rejoindront l’Angleterre.

« J’ai juste espéré qu’ils arrivent vivants »

A bord du bateau Jean-Bart II, l’équipage de la SNSM est resté près de six heures en mer. A la ville, ils sont marin, secrétaire comptable, professeur de sport, médecin ou encore pompier professionnel. De plus en plus souvent, ils sont sauveteurs de migrants. Lorsqu’ils reviennent au port, 50 naufragés sont débarqués. Ceux-là ont été victimes d’une panne de moteur mais pendant ses recherches, la SNSM a croisé cinq autres embarcations, notamment près des eaux anglaises, qui ont refusé d’être aidées. « Il y en a une qui commençait à se dégonfler, témoigne Anne Thorel, canotière. J’ai juste espéré qu’ils arrivent vivants. »

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