Le Sénat du Chili a voté, mardi 16 novembre, contre la destitution du président Sebastian Piñera, soupçonné de conflit d’intérêts dans la vente d’une compagnie minière en 2010. L’affaire avait été révélée par les « Pandora Papers ».
Ce vote met un terme à la procédure de destitution qui avait été approuvée la semaine dernière par la Chambre des députés, où l’opposition est majoritaire. Au Sénat, également dominé par l’opposition, une majorité des deux tiers, soit vingt-neuf voix, était nécessaire. Or seulement vingt-quatre sénateurs ont voté pour la destitution, dix-huit contre et un s’est abstenu.
« La défense a démonté de façon catégorique chacun des faits exposés dans les motifs de ce procès politique », s’est félicité le sénateur Francisco Chahuan, un soutien de M. Piñera. L’avocat du chef d’Etat, Jorge Galvez, avait affirmé au début de la séance au Sénat que l’accusation était « dénuée de tout fondement factuel et juridique ».
La procédure avait été déclenchée après les révélations des « Pandora Papers », une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Selon ces documents, la compagnie minière Minera Dominga a été vendue en 2010 par une société détenue par les enfants du chef de l’Etat à un homme d’affaires, ami du président, pour 152 millions de dollars, une transaction opérée aux îles Vierges britanniques.
Il ne peut pas prétendre à sa propre succession
Le paiement de la transaction devait être effectué en trois versements et contenait une clause controversée qui subordonnait le dernier paiement à la condition qu’aucune zone de protection environnementale ne soit établie sur la zone d’exploitation de la société minière. D’après l’enquête, le gouvernement de M. Piñera n’a finalement pas protégé la zone où l’exploitation minière était prévue, si bien que le troisième paiement a bien été effectué. La présidente socialiste Michelle Bachelet (2006-2010), à laquelle avait succédé M. Piñera, avait pourtant recommandé que soit protégée la zone riche en biodiversité qui abrite une colonie de manchots de Humboldt, une espèce menacée.
Le président de droite, qui est également l’un des hommes les plus riches du Chili, avait dénoncé une accusation fondée « sur des faits faux ou trompeurs » et estimé que l’affaire avait déjà été jugée en 2017 et fait l’objet d’un non-lieu. A l’ouverture d’une nouvelle enquête pénale au début d’octobre, le parquet avait toutefois avancé que les faits liés à la vente et à l’achat de la société minière « n’étaient pas expressément inclus » dans la décision de non-lieu.
La fin de la procédure de destitution contre M. Piñera intervient à quelques jours des élections du 21 novembre, à l’issue desquelles un nouveau président sera désigné et le Parlement renouvelé. M. Piñera ne peut être candidat à sa propre succession ; toutefois, son mandat est loin d’être terminé, avec un probable second tour le 19 décembre et une transmission de pouvoir le 11 mars.
Les « Pandora Papers », c’est quoi ?
« Pandora Papers » est une enquête collaborative menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont Le Monde. Elle repose sur la fuite de près de 12 millions de documents confidentiels, transmis par une source anonyme à l’ICIJ, provenant des archives de quatorze cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans les paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…).
Cinq ans après les « Panama Papers », l’enquête révèle l’ampleur des dérives de l’industrie offshore et de ses sociétés anonymes. Elle montre comment ce système profite à des centaines de responsables politiques, et comment de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais à mesure que les anciens se convertissent à la transparence.
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