Tribune. On ne peut pas, en voyant les clôtures avec barbelés à la frontière polonaise, ne pas se souvenir qu’elles sont installées par un pays qui a grandement contribué, il y a trente ans, à la chute du mur de Berlin et au démantèlement du rideau de fer qui divisait l’Europe. Comparaison n’est pas raison, mais le symbole permet de mesurer le chemin parcouru. Il permet aussi de souligner le contraste avec la réaction européenne en 2015, lorsque la Hongrie de Viktor Orban fit construire, en 2015, une clôture similaire à la frontière avec la Serbie afin de bloquer ce qu’il appelait une « invasion » de migrants empruntant la « voie ottomane » de la Turquie vers l’Europe. L’Europe s’était alors profondément divisée sur la question migratoire.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a exprimé le 10 novembre, à Varsovie, sa solidarité avec le gouvernement polonais, confronté à ce qu’il dénonce comme une « guerre hybride » avec l’acheminement à la frontière de plusieurs milliers de migrants du Moyen-Orient. Il ne s’agit pas, en effet, d’une crise migratoire comme en 2015, mais d’un trafic d’êtres humains organisé par le dictateur biélorusse en réponse aux sanctions de l’Union européenne (UE) imposées après le détournement d’un avion qui reliait les capitales de la Grèce et de la Lituanie [Athènes et Vilnius, pour arrêter le dissident en exil Roman Protassevitch et sa compagne].
La contestation éclipsée
Cela n’enlève rien au drame humanitaire se déroulant à la frontière polono-biélorusse. Des critiques sont adressées, en Pologne même, aux autorités qui refusent l’accès à la frontière à ceux qui veulent venir en aide aux migrants. Mais, cette fois, le contexte est différent. Face à une tentative d’instrumentalisation de la migration, l’unité a été préservée : la vague populiste et nationaliste est passée par là, pas seulement dans l’est du continent. La question migratoire n’en est pas la cause, mais un révélateur et un accélérateur. Personne ne veut voir l’UE accusée de naïveté ou d’impuissance sur un tel dossier. Au moment où Angela Merkel quitte la chancellerie, l’Allemagne n’est sans doute pas mécontente de voir la Pologne bloquer des migrants scandant « Germany, Germany ».
Le gouvernement conservateur de Varsovie n’a pas manqué l’occasion d’utiliser la crise à son profit tant sur le plan intérieur que sur le plan européen. Il y a un mois, la contestation du pouvoir en place battait son plein sur la question de l’indépendance de la justice comme sur celle de la nouvelle loi restrictive sur l’avortement. Le 10 octobre, une manifestation contre une dérive autoritaire et anti-européenne rassemblait 100 000 personnes à Varsovie.
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