Un nouveau carnage attribué aux rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) a fait au moins 38 morts au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), vendredi 12 novembre. Un lourd bilan auquel s’ajoutent une vingtaine de personnes tuées lundi dans les provinces voisines de l’Ituri et du Sud-Kivu.
De premières informations avaient fait état, vendredi, d’au moins cinq personnes tuées et plusieurs prises en otage dans l’attaque nocturne d’un hôpital à Kisunga, dans le territoire de Beni. Les ADF, qui, selon l’armée, multiplient les attaques contre des centres hospitaliers et des pharmacies pour s’approvisionner en médicaments, ont été immédiatement accusés.
Ce bilan a été « réévalué à 38 morts après la découverte de nouveaux corps sur l’axe Kamwanga-Kibasiamwagha », deux villages voisins, a indiqué lundi sur Twitter le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), qui dispose d’experts sur le terrain. La Croix-Rouge locale, chargée de la recherche et de l’enterrement des corps, a également compté 38 morts au total dans les trois villages. « Les corps étaient pour la plupart ligotés et les cous tranchés à la machette », a expliqué à l’AFP Samy Kaleverwa, responsable de la Croix-Rouge. « Nous n’avons pas encore terminé les recherches des cadavres dans la brousse », a-t-il ajouté.
« Nous avions alerté les forces de sécurité »
D’après le KST, « il s’agit de l’attaque [des ADF] la plus meurtrière depuis celle de Boga et Tchabi [Ituri], dans la nuit du 30 au 31 mai », qui avait fait 57 morts. « Nous avions alerté les forces de sécurité sur la présence des ADF dans la zone. Mais il n’y a eu aucune réaction jusqu’à ce massacre », a déploré Moïse Kiputulu, président de l’organisation Nouvelle Société civile du Congo à Bashu (territoire de Beni).
Selon le KST, ces morts s’ajoutent à « au moins 1 137 civils tués au Nord-Kivu et en Ituri depuis le début de l’état de siège, le 6 mai ». Cette mesure exceptionnelle prise par le président Félix Tshisekedi a pour objectif de lutter contre les groupes armés sévissant depuis plus de vingt-cinq ans dans la partie orientale du pays – notamment les ADF, qui sont les plus meurtriers. Les autorités civiles y ont été remplacées par des officiers de l’armée et de la police.
A l’origine, les ADF étaient une coalition de groupes armés ougandais, dont le plus important composé de musulmans, opposés au régime du président Yoweri Museveni. Ils sont installés depuis 1995 dans l’est congolais, où ils ont fait souche. Depuis avril 2019, certaines de leurs attaques sont revendiquées par l’organisation Etat islamique (EI), qui désigne le groupe comme sa « province d’Afrique centrale ». En mars, les Etats-Unis ont placé les ADF parmi les « groupes terroristes » affiliés aux djihadistes de l’EI.
Les jeunes mobilisés « pour creuser les tombes »
Par ailleurs, en Ituri, province minée par des conflits communautaires, au moins 17 personnes ont été tuées lundi dans le village de Chabusiku, à 12 km du chef-lieu, Bunia, certaines ayant été retrouvées calcinées dans leurs maisons, a annoncé David Bahinduka Bamuhiga, chef du secteur rural de Bahema-Irumu.
Le KST a chiffré à « au moins 18 civils tués » le bilan de cette attaque, dont sont soupçonnés les miliciens du groupe Chini ya Kilima-FPIC. Cette « Force patriotique et intégrationniste du Congo » est une milice qui prétend défendre les intérêts des Bira, une des communautés de cette province aurifère qui a renoué avec les violences depuis fin 2017 après des années d’accalmie. Selon M. Bahinduka, les victimes de l’attaque de lundi sont « en majorité » des membres de la communauté hema. « Nous avons mobilisé les jeunes pour creuser les tombes », a-t-il dit, constatant que les militaires congolais étaient « intervenus, mais avec retard ».
Enfin plus au sud, dans la province du Sud-Kivu – qui n’est pas placée en état de siège –, au moins six personnes ont été tuées et sept blessées, dans la nuit de dimanche à lundi, dans une attaque attribuée à une milice d’autodéfense, a annoncé le gouverneur de province. Le major Dieudonné Kasereka, porte-parole de l’armée dans le secteur, avait auparavant évoqué cinq morts et une douzaine de maisons incendiées. Selon lui, cette opération a été menée par la « coalition Ngumino Twigwaneho », composée de Banyamulenge (des Tutsi congolais aux lointaines origines rwandaises), en représailles à d’autres récentes attaques.
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