La présence policière et l’arrestation de meneurs de la dissidence cubaine ont empêché ceux-ci de mener à bien, lundi 15 novembre, leur manifestation, interdite par les autorités, qui ont raillé une « opération ratée » des Etats-Unis, lesquels ont dénoncé une manœuvre pour « faire taire » les protestataires.
Sur les réseaux sociaux, quelques Cubains ont posté des photos d’eux, vêtus de blanc comme le disait la consigne, mais la grande manifestation prévue n’a pas eu lieu, avec de nombreux agents de police en uniforme et en civil dans les rues de la Havane.
Le ministre des affaires étrangères, Bruno Rodriguez, a moqué une « opération ratée » des Etats-Unis pour déstabiliser Cuba via cette manifestation pour la libération des prisonniers politiques. « Apparemment certains de mes collègues à Washington se sont habillés pour rien, pour leur fête qui n’a pas eu lieu », a-t-il raillé dans une vidéo diffusée via Facebook.
La Maison Blanche a réagi en dénonçant les manœuvres du gouvernement cubain pour « faire taire » les manifestants pacifiques, notamment à coups d’arrestations d’opposants qui devaient se réunir à La Havane et dans six provinces.
« En amont de manifestations pacifiques prévues aujourd’hui, le gouvernement cubain a eu recours à des peines de prison ferme, des arrestations sporadiques, et des techniques d’intimidation (…) dans sa tentative de faire taire la voix du peuple cubain », a déploré le conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale Jake Sullivan. « Les Etats-Unis s’engagent à soutenir les actions des Cubains qui cherchent à promouvoir un changement démocratique », a-t-il poursuivi, appelant le gouvernement cubain à ne pas faire usage de la violence contre les dissidents.
« Campagne contre Cuba »
L’appel à manifester coïncidait avec la réouverture de l’île au tourisme et le retour des élèves à l’école après des mois de fermeture dus à la pandémie de Covid-19. Le président Miguel Diaz-Canel, qui a assisté à la rentrée dans une école de l’ouest de La Havane, avait dénoncé dimanche une volonté de « perturber l’ordre interne » et une « campagne médiatique contre Cuba ».
Les autorités avaient interdit la manifestation et menacé les organisateurs – le groupe de débat politique sur Facebook Archipiélago, qui compte 37 000 membres à Cuba et à l’étranger – de sanctions pénales.
Lundi, plusieurs dirigeants de la dissidence ont été arrêtés dont Manuel Cuesta Morua, vice-président du Conseil pour la transition démocratique. La dirigeante du mouvement des Dames en blanc, Berta Soler, et son époux, l’ex-prisonnier politique Angel Moya, ont aussi été arrêtés. L’historienne de l’art et activiste Carolina Barrero, empêchée de sortir de chez elle depuis deux cents jours, a également été arrêtée, a annoncé le mouvement dissident 27N, dont elle est membre. Une autre figure de l’opposition, Guillermo Fariñas, est en détention depuis vendredi.
De nombreux dissidents, promoteurs de la manifestation et journalistes indépendants disaient être bloqués chez eux par les forces de l’ordre. Plusieurs d’entre eux ont raconté avoir subi des actes de répudiation – ces rassemblements d’habitants utilisés depuis des décennies pour invectiver les dissidents – ou avoir l’Internet coupé.
Crise économique
« Si on ne me laisse pas sortir aujourd’hui, je le ferai demain, encore plus convaincue et décidée », a promis via Twitter Saily Gonzalez, qui appelait à manifester à Santa Clara (centre) mais n’a pu sortir de chez elle.
Le dramaturge Yunior Garcia, 39 ans, fondateur de Archipiélago et fer de lance d’une nouvelle génération de dissidents stimulée par l’essor des réseaux sociaux, était aussi empêché de sortir de chez lui lundi par des agents en civil, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse. La veille, son projet de défiler en solitaire, une rose blanche à la main, avait été stoppé par la présence des forces de l’ordre autour de son immeuble.
L’appel à manifester survenait quatre mois après les manifestations spontanées et historiques du 11 juillet, qui ont fait un mort et des dizaines de blessés. Sur les 1 270 personnes arrêtées, 658 restent emprisonnées, selon l’ONG Cubalex, les médias indépendants cubains évoquant des peines requises allant jusqu’à trente ans de prison.
Le pays vit sa pire crise économique en près de trente ans, avec de fortes pénuries d’aliments et de médicaments. Le mécontentement social est grandissant et la confrontation est au plus haut entre défenseurs et critiques du gouvernement.
Lundi, la France avait demandé au gouvernement de « garantir le droit de la population cubaine à se réunir et à manifester pacifiquement ». La veille, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken l’avait lui appelé « à respecter les droits des Cubains, en les laissant se rassembler de manière pacifique ». De son côté, le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a exprimé son admiration pour l’« arrogance » de Cuba, pays « libre et indépendant ».
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