Pour tenter de percer le grand mystère russe, celui d’un pays en pointe dans la conception de vaccins contre le Covid-19 mais dont la population refuse obstinément la vaccination, l’endroit en vaut bien un autre. La rue Gamaleïa, calme et arborée, dans le nord-ouest de la mégalopole moscovite, n’a qu’une seule particularité : elle abrite l’institut du même nom, fierté nationale et développeur du vaccin vedette de la Russie, le Spoutnik V.
Ce n’est pas ce voisinage qui a convaincu Diana Stroukova, agent d’assurances, de se faire vacciner mais… ses relations à la morgue du quartier. « Je comprends la peur des gens et leur manque de confiance en l’Etat, mais quand on voit la situation, il ne devrait plus y avoir de doutes », note cette femme de 48 ans qui promène ses chiens au pied de la longue clôture derrière laquelle s’abritent les nombreux bâtiments de l’Institut Gamaleïa.
La « situation », c’est une mortalité due au Covid-19 qui atteint des sommets en Russie – 1 200 décès par jour, une statistique officielle considérée comme peu fiable et minimaliste. Depuis le début de l’épidémie, la surmortalité par rapport à la moyenne des années précédentes dépasse les 720 000 morts, une catastrophe démographique qui fait de la Russie l’un des pays les plus endeuillés au monde. Les autorités elles-mêmes ont reconnu le 12 novembre que 92 % de cette surmortalité était attribuable à l’épidémie, ce qui équivaut à une correction majeure des statistiques officielles.
Plus que les loteries ou les campagnes de communication, cet argument devrait porter. Pourtant, la population russe reste l’une des moins vaccinées d’Europe : au 11 novembre, 34,5 % des Russes avaient reçu deux doses de l’un des trois vaccins nationaux (Spoutnik V, EpiVacCorona et CoviVac). Moscou ne dépareille pas, avec des chiffres comparables à cette moyenne nationale.
« Le pouvoir ne fait que mentir »
Les explications de ceux qui refusent la vaccination, au pied des immeubles de la rue Gamaleïa, ressemblent à ce que l’on peut entendre ailleurs dans le monde. Il y est question d’informations contradictoires, de l’impossibilité de démêler le vrai du faux.
Galina, 52 ans, professeure d’anglais, s’est fait vacciner ; sa fille de 30 ans s’y refuse, craignant des effets indésirables sur la fertilité. Les deux ont fait des recherches, sans arriver à une conclusion tranchée. Son mari, lui, a été forcé de se vacciner par son entreprise, sous peine de licenciement. « Si l’on peut quand même finir à l’hôpital, à quoi bon ? », demandait-il.
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