La mosquée chiite Fatemieh à Kandahar est un simple bâtiment en ciment. Pas d’ornement ni de minaret, aucun signe ostentatoire ne différencie cette bâtisse des autres, dans le quartier de Bargah, habité principalement par des chiites, une minorité religieuse dans un pays majoritairement sunnite. Depuis l’attentat-suicide perpétré dans ce lieu de culte, vendredi 15 octobre, jour de grand rassemblement de fidèles pour la prière du midi, des barres métalliques ont été installées à l’entrée pour contrôler les va-et-vient.
L’attaque, revendiquée par l’organisation Etat islamique (EI), rivale et ennemie des talibans, les nouveaux maîtres du pays, a fait au moins 47 morts. L’EI en Afghanistan, également responsable de deux autres assauts à Kunduz (nord) et à Kaboul début novembre, s’en prend, en particulier, à la minorité chiite, qu’elle qualifie d’« hérétique ».
Les membres de l’EI attaquent aussi les talibans, qu’ils accusent d’avoir renoncé à la cause djihadiste pour avoir négocié avec l’ennemi américain et signé un accord, en 2020, ayant débouché sur le retrait des troupes étrangères, le 30 août 2021. Mais l’attentat particulièrement meurtrier de Kandahar ainsi que les autres attaques revendiquées par l’EI ont ravivé les inquiétudes de la minorité chiite. Cette dernière doute en effet de la capacité des talibans à garantir la sécurité dans tout le pays et pour toutes les ethnies.
Désillusion
Après l’attaque d’octobre, un poste de surveillance a été construit à côté de la porte d’entrée de la mosquée Fatemieh. Toute la journée, au moins un soldat armé lié aux talibans veille à ce que seules les personnes autorisées puissent y pénétrer. Une manière, pour les nouveaux responsables du pays, de montrer qu’ils prennent au sérieux leurs engagements à protéger les chiites. En dépit de ces promesses, ces derniers continuent pourtant de craindre aussi bien la violence de l’EI que celle des talibans.
Momen Agha dans son épicerie située en face de la mosquée chiite Fatemieh, à Kandahar (Afghanistan), le 4 novembre 2021. WILLIAM DANIELS POUR « LE MONDE »
Momen Agha, un magasinier travaillant juste en face de la mosquée, est de ceux-là. Ce père de trois filles était à l’intérieur de l’édifice le 15 octobre – « comme tous les vendredis », précise-t-il. « Nous étions à la fin de la prière quand nous avons entendu le bruit d’une explosion à l’extérieur, se souvient cet homme de 55 ans. Les gens se sont levés pour fuir. Je leur ai demandé de se rasseoir. Des tirs ont retenti. Ensuite, une explosion a eu lieu à l’intérieur. Je me suis jeté par terre. J’ai senti de la chair humaine sous mes mains. J’étais couvert de sang. Dix minutes plus tard, nous sommes sortis, puis nous sommes revenus dans la mosquée pour aider à ramasser les corps déchiquetés, en utilisant des couettes, et à transporter les blessés à l’hôpital. »
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