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Des milliers de milliards nécessaires pour adapter le monde au réchauffement

Pour aider les nations vulnérables à affronter la multiplication des sécheresses, des inondations ou des canicules liées au changement climatique, les milliards de dollars sur la table à la COP26 ne suffiront pas. Ce sont des milliers de milliards de dollars qui seront nécessaires, selon un projet de rapport obtenu par l’AFP.

L’échec des pays riches à respecter leur promesse de porter à 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 leur aide climatique aux pays pauvres est un des contentieux les plus explosifs de la conférence sur le climat qui arrive à son terme.

Et pourtant, cette enveloppe ne représenterait qu’un simple acompte face au véritable coût de l’adaptation aux impacts ravageurs du réchauffement de la planète, selon un projet de rapport des experts climat de l’ONU (Giec) qui doit être publié début 2022.

Vue aérienne du campement « Refugio Santa Rosa », installé le long de la route Panaméricaine, à 980 km au nord de Lima, le 17 octobre 2021 au Pérou (AFP – ERNESTO BENAVIDES)

Villes inondées, pénuries alimentaires, vagues de chaleur meurtrières, migrations de masse… « Les coûts d’adaptation sont considérablement plus élevés qu’estimé précédemment », selon le résumé du texte de 4.000 pages. « Les dispositions existantes pour financer l’adaptation sont inadéquates face à l’ampleur anticipé des impacts climatiques ».

La planète a gagné environ 1,1°C depuis l’ère pré-industrielle, entraînant déjà une multiplication des événements météo extrêmes.

Et en l’état actuel des engagements des gouvernements, le monde se dirige vers un réchauffement dépassant les objectifs de l’accord de Paris de limiter cette hausse de température « bien en deçà » de 2°C, si possible 1,5°C.

Or, plus la température s’élève, plus les coûts pour protéger la société augmentent, met en garde le Giec.

Un berger et son troupeau traversent le barrage quasiment asséché de Doueisat près de la ville d’al-Diriyah dans le nord de la Syrie, le 9 novembre 2021 (AFP – Abdulaziz KETAZ)

Selon le projet de rapport, d’ici 2050, les financements nécessaires pour l’adaptation pourraient ainsi atteindre 1.000 milliards de dollars par an dans certains scénarios d’émissions. Dans un monde à +2°C, les coûts d’adaptation pour l’Afrique seule pourraient augmenter de « dizaines de milliards » chaque année.

– « Complètement dépassée » –

Ce rapport du Giec dont l’AFP a obtenu une version préliminaire est consacré aux impacts du réchauffement. De nombreux scientifiques, dont certains de ses auteurs, regrettaient qu’il ne soit pas publié à temps pour la cruciale COP26.

En attendant, experts et diplomates ont commencé à évaluer les besoins, bien plus importants que les 100 milliards destinés à la fois à aider les pays à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts du réchauffement.

L’impact du changement climatique sur les pays vulnérables (AFP – Gal ROMA)

Cette promesse qui semblait significative en 2009 « est complètement dépassée », par la science et par la réalité sur le terrain, indique à l’AFP Rachel Cleetus, économiste du groupe Union of Concerned Scientists. « Quand on parle de finance pour après 2025, il faut que ce soit en milliers de milliards ».

« L’adaptation est un énorme angle mort dans l’urgence climatique », poursuit Mohamed Adow, du groupe de réflexion Power Shift Africa.

– Coûts évités –

Le besoin urgent de se protéger des impacts des dérèglements climatiques, qui seront majeurs même avec +1,5°C, est largement mis en lumière par le projet de rapport du Giec qui anticipe aussi les coûts des dégâts pour chaque secteur de la société.

A Guangzhou, dans le sud de la Chine, avec une hausse supplémentaire de 20 cm du niveau de la mer, les dommages pourraient ainsi dépasser 250 milliards chaque année, sans mesures d’adaptation comme par exemple des infrastructures anti-submersion. Mais dans un monde à +2°C, le niveau de l’océan devrait y augmenter deux fois plus.

Des hommes placent des sacs pour consolider la rive de la Padma, un affluent du Gange, le 20 septembre 2021 à Manikgonj, au Bangladesh (AFP – Munir Uz zaman)

D’autres villes côtières comme Bombay pourraient être victimes de catastrophes d’une ampleur similaire.

En moyenne, les inondations déplaceront 2,7 millions de personnes chaque année en Afrique d’ici le milieu du siècle, les récoltes diminueront en quantité et en qualité, augmentant les risques de malnutrition généralisée, les canicules pèseront sur les systèmes de santé.

Alors financer l’adaptation est comme un investissement pour éviter de futurs coûts, selon le projet de rapport.

Par exemple, dépenser 1.800 milliards de dollars dans les dix ans qui viennent pour déployer des systèmes d’alerte précoces, des infrastructures et une agriculture résistantes, pour restaurer les mangroves et améliorer l’accès à l’eau « peut générer un bénéfice net de 7.200 milliards ».

« Investir dans l’adaptation climatique, c’est un peu comme s’assurer contre un événement qui va forcément se produire », commente Brian O’Callaghan, chercheur à l’université d’Oxford.

– ‘ »Besoin d’un abri » –

Mohamed Adow et d’autres ont appelé à un rapport spécial du Giec pour quantifier les besoins mondiaux d’adaptation.

« Nous avons besoin d’une évaluation aussi objective que possible des coûts à la fois de l’adaptation et de la réduction des émissions », plaide Max Puig, négociateur en chef pour la République dominicaine.

Il y a quelques jours, le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) a estimé que les besoins pour financer l’adaptation pourraient monter jusqu’à 300 milliards par an en 2030, et 500 milliards d’ici 2050.

Pendant la COP26, le groupe Afrique, soutenu par des économies émergentes comme la Chine et l’Inde, a appelé les pays développés à mobiliser au moins 650 milliards par an juste pour l’adaptation, à partir de 2030.

En parallèle, Fidji et d’autres Etats insulaires ont proposé un plancher deux fois plus faible mais à partir de 2025, indique à l’AFP son ministre de l’Economie et du Changement climatique Aiyaz Sayed-Khaiyum, appelant les pays riches à reconnaître l’urgence.

« Quand on bâtit une maison, on ne peut pas construire un seul mur par décennie, et espérer qu’elle serve d’abri. Nous avons besoin d’un abri maintenant ».

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