Par où commencer l’enquête ? La Havane (Cuba), Vienne (Autriche), Hanoï (Vietnam), Berlin (Allemagne), Canton (Chine), Moscou (Russie), Bogota (Colombie), à Taïwan ou même aux Etats-Unis, à Washington… ?
Après des années de tergiversations, le département d’Etat américain s’est enfin décidé à résoudre l’affaire du « syndrome de La Havane ». Son chef, Antony Blinken, s’est engagé, le 5 novembre, à « faire toute la lumière » sur ce phénomène.
Ce mal mystérieux se caractérise par des migraines, des acouphènes, des troubles visuels et cognitifs ou des problèmes d’équilibre et de vertiges. A ce jour, quelque 200 cas ont été signalés parmi les diplomates, militaires, agents des services secrets américains (CIA) et leurs familles, qui travaillent dans les ambassades et consulats des Etats-Unis à travers le monde – des cas ont aussi été recensés chez des Canadiens. Certaines victimes se sont d’ailleurs publiquement plaintes de ne pas être prises suffisamment au sérieux.
Alors que les premiers cas ont été rapportés à la fin de 2016 dans la capitale cubaine, l’Académie cubaine des sciences et le Centre des neurosciences cubain ont cherché à se dédouaner. Ils ont organisé, en mars 2020, un événement intitulé : « Le syndrome de La Havane existe-t-il ? » et convenu que le terme « syndrome de La Havane » était « une fabrication médiatique », arguant qu’« il n’y a aucune preuve pour indiquer qu’il existe une nouvelle maladie » et que « les accusations ne résistent pas à une analyse scientifique sérieuse ».
Deux diplomates mènent l’enquête
Pour mener l’enquête, Antony Blinken a annoncé la nomination de deux diplomates chevronnés : l’ambassadeur Jonathan Moore, qui sera chargé de coordonner la réponse du département d’Etat, et l’ambassadrice Margaret A. Uyehara. Elle devra s’assurer que toute personne signalant des symptômes reçoive une prise en charge médicale appropriée.
« Nous tous, au sein du gouvernement américain et particulièrement au département d’Etat, sommes absolument déterminés à faire toute la lumière sur la cause et les auteurs de ces incidents, à prendre soin des personnes concernées, et à protéger nos collègues, a déclaré le secrétaire d’Etat, cité dans un communiqué. Nous nous appuyons sur toutes les capacités de nos services de renseignement. Nous recrutons les meilleurs cerveaux scientifiques, au sein de l’administration mais aussi en dehors. »
Antony Blinken a ajouté que les diplomates atteints de troubles étaient désormais pris en charge par l’hôpital universitaire Johns-Hopkins (Maryland). Ceux qui sont appelés à partir en poste à l’étranger subissent désormais des examens neurologiques, auditifs et ophtalmologiques approfondis, « afin d’avoir une base de comparaison s’ils signalent par la suite un incident de santé anormal », a encore expliqué le secrétaire d’Etat.
Les hésitations du département d’Etat
Depuis les débuts de cette affaire, les autorités américaines hésitent sur la réponse à y apporter. Fin septembre, le chef du poste de la CIA à Vienne a été rappelé à Washington. Il a été accusé de n’avoir pas pris au sérieux des cas récents dudit « syndrome » dans son équipe et au sein de l’ambassade, rapportait le Washington Post.
Avant lui, c’est la légèreté de Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat de Donald Trump, qui a été critiquée. En octobre 2020, il avait dû se défendre d’avoir minimisé les cas de diplomates américains victimes en Chine de ce mal mystérieux.
« L’idée que nous n’aurions pas protégé nos agents en raison d’un objectif politique plus vaste est absolument fausse, absolument, absolument fausse, clairement fausse, sans aucune ambiguïté », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse à Washington, quelques mois après la signature d’un accord commercial avec Pékin. « Je ne veux pas qu’un pays dans le monde puisse penser qu’il peut faire quelque chose comme ça sans que nous le prenions au sérieux. »
L’administration Biden s’attaque au problème
Si elles hésitent, c’est que les autorités américaines sont dans le brouillard. Début août, Avril Haines, la directrice du renseignement national a réuni le directeur de la CIA, William Burns, Antony Blinken, le procureur général (équivalent du ministre de la justice), Merrick Garland, et le directeur du FBI, la police fédérale, Christopher Wray, pour faire le point et admettre que l’enquête était toujours… en cours.
Mais au début du mois d’octobre, le président des Etats-Unis, Joe Biden, a signé le Havana Act, loi sur la prise en charge financière et médicale des employés du gouvernement victime du « syndrome de La Havane ». Ce texte, soutenu par les démocrates et les républicains, « envoie un message clair : nous prenons soin des nôtres [lorsqu’ils ont été touchés par] des problèmes de santé anormaux », explique la Maison Blanche dans un communiqué : « Nous mettons à contribution toutes les ressources du gouvernement américain pour mettre à la disposition des personnes touchées des soins médicaux de première classe et faire la lumière sur ces incidents, y compris pour en déterminer la cause. »
En attendant d’avoir une conclusion officielle, selon un rapport de l’Académie des sciences américaine datant de la fin 2020, « l’énergie dirigée d’ondes radio » est la cause la plus probable de ces symptômes. « D’importantes recherches » ont été menées sur la technologie des radiofréquences pulsées « en Russie-URSS » et des « militaires des pays communistes ont été exposés à des radiations » de ce type, rappelait l’instance. Qui se gardait toutefois de désigner un responsable.
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