Comment opérer dans un pays où la monnaie locale dévisse, l’inflation est galopante et le système financier est assoiffé de devises, sans y laisser trop de plumes – en l’occurrence, des dizaines de millions d’euros, dans les coffres de banques privées ou d’une banque centrale ? Ce questionnement est devenu majeur pour les humanitaires présents au Liban et en Syrie. Dans ces deux pays happés par la crise financière qui a éclaté à Beyrouth en octobre 2019, les systèmes bancaires sont parvenus à capter des devises sur l’aide des Nations unies, en imposant des taux de change défavorables.
Au Liban, l’ONU et ses bailleurs ont dû batailler pour pouvoir échanger dans les banques privées des devises au taux réel (le dollar dépasse 20 000 livres libanaises au marché noir, contre 1 500 officiellement), et non à une valeur largement inférieure. Un accord a été arraché en avril à la Banque centrale, au terme de longues négociations, et après des tentatives de cette institution d’imposer un taux intermédiaire peu avantageux, face auxquelles la menace d’une suspension des programmes de l’ONU a été brandie. « Il était inacceptable qu’une partie des fonds profite aux banques et non aux destinataires de l’aide », souligne Najat Rochdi, coordinatrice résidente et humanitaire des Nations unies au Liban depuis l’été 2020, qui a pris part aux discussions. Le système bancaire, en faillite, a aspiré, entre octobre 2019 et le printemps 2021, au moins 250 millions de dollars (216 millions d’euros) d’aide de l’ONU, estimait la fondation Thomson-Reuters en juin.
Malgré l’accord du mois d’avril, la défiance demeure : les montants alloués aux programmes sont transférés par petites tranches, afin de prévenir tout déraillement. Un autre litige subsiste : le taux de change négocié ne s’applique pas aux fonds des donateurs transférés au Liban avant octobre 2019. « Nous avons reçu un non catégorique [de la Banque centrale] pour modifier cela », affirme Mme Rochdi.
Cent millions de dollars happés en 2019-2020
En Syrie, le décrochage de la monnaie a longtemps suivi la dégringolade de la livre libanaise. Si la crise financière à Beyrouth pèse, c’est parce que d’importants actifs syriens se trouvaient dans les banques libanaises. Les Nations unies ont pu négocier à plusieurs reprises, entre la fin de l’année 2019 et avril, un taux préférentiel de change à Damas. Mais celui-ci restait inférieur au marché parallèle. Le dollar s’y échange aujourd’hui à plus de 3 400 livres syriennes (soit environ 2,33 euros), contre 2 500 au taux officiel depuis septembre, celui que doit suivre l’ONU dans ses transactions avec les banques privées.
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