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« Dans les Balkans, le spectre des années 1990 rôde, insidieux, poussé par la Serbie et la Russie »

Chronique. Ce fut l’un des fleurons de la diplomatie multilatérale occidentale de l’après-guerre froide. Signés à Paris le 14 décembre 1995 après trois semaines de difficiles pourparlers avec les belligérants confinés sur une base militaire de l’Ohio (Midwest), les accords de Dayton mettaient fin à trois ans de guerre interethnique en Bosnie, la dernière du siècle sur le continent européen. Ils symbolisaient, aussi, le savoir-faire et la puissance des Etats-Unis, dont l’énergique émissaire Richard Holbrooke avait mené la négociation, rendant compte chaque soir à un « groupe de contact » composé de diplomates français, britanniques, allemands et russes.

S’ils ont permis d’arrêter la guerre, ces accords, pourtant, n’ont pas construit la paix. Vingt-six ans plus tard, « Dayton » a mal vieilli. Non seulement le conflit menace de se rallumer, mais la Russie, appuyée de loin par la Chine et de près par quelques autocrates de la région, cherche à détricoter l’ordre balkanique installé par les puissances occidentales sur les ruines de la Yougoslavie. En Bosnie-Herzégovine, en Serbie, au Kosovo, au Montenegro, le nationalisme populiste refait surface. Nous sommes au XXIe siècle, mais le spectre des années 1990 rôde, insidieux, sous les yeux d’une Union européenne (UE) empêtrée dans ses propres contradictions.

C’est inévitablement en Bosnie que la poussée de fièvre est la plus forte. Le fauteur de trouble ici s’appelle Milorad Dodik, leader nationaliste serbe bosnien, membre de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine. Autrefois considéré comme un modéré, il a, signe des temps, rejoint la cohorte autocratique avec, en prime, des visées séparatistes. Il est furieux de la décision prise en juillet par le haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine, chargé de superviser la mise en œuvre civile des accords de Dayton, de sanctionner pénalement la négation du génocide de Srebrenica et la glorification des criminels de guerre.

Milorad Dodik ne veut plus de la construction commune aux deux entités créées par Dayton pour permettre aux Serbes, Croates et Bosniaques de coexister en paix en Bosnie-Herzégovine – la République serbe de Bosnie et la Fédération bosno-croate. Depuis des mois, il menace de quitter les forces armées communes pour créer sa propre force ; il dit maintenant qu’il le fera fin novembre et retirera aussi la République serbe de l’appareil judiciaire et du système fiscal bosniens. En langage ordinaire, cela s’appelle faire sécession. La petite république serbe a d’ailleurs déjà créé sa propre agence du médicament.

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