Alors que le suspense est inexistant quant au verdict des élections présidentielles au Nicaragua, les bureaux de vote ont fermé dans le pays d’Amérique centrale à 18 heures locales, dimanche 7 novembre, et les premiers résultats sont attendus vers minuit (7 heures lundi, à Paris), selon le tribunal électoral.
Seul le taux de participation pourrait donner une idée de l’adhésion réelle des Nicaraguayens au « ticket » formé par Daniel Ortega, assuré à 75 ans d’être réélu pour un quatrième mandat de cinq ans, et son épouse Rosario Murillo, 70 ans, vice-présidente depuis 2017. La répression qui s’est abattue depuis 2018 sur les opposants au président prive ces élections de toute crédibilité.
Les Etats-Unis ont vigoureusement dénoncé le scrutin. « Ce que le président du Nicaragua et son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, ont orchestré aujourd’hui est une élection pantomime qui n’était ni libre, ni juste, et certainement pas démocratique », a déclaré le président américain Joe Biden, cité dans un communiqué de la Maison Blanche sur « les élections-comédie au Nicaragua ».
A l’inverse, le président du Venezuela Nicolas Maduro a félicité son homologue sans attendre le résultat. « L’impérialisme et ses alliés rampants en Europe pointent du doigt le Nicaragua, mais il y a des gens qui aiment le Nicaragua, il y a des gens qui défendent le Nicaragua », a-t-il affirmé dans une allocution télévisée, annonçant son intention de se rendre prochainement dans le pays d’Amérique centrale.
Du porte-à-porte pour mobiliser les électeurs
Les rues étaient quasi désertes dimanche à Managua. Craignant une faible participation, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN, ex-guérilla au pouvoir) a organisé durant la journée des tournées de porte-à-porte pour mobiliser les électeurs.
Après avoir déposé son bulletin dans l’urne, le président Ortega a accusé ses opposants d’être « des démons (…) qui choisissent la violence, le dénigrement, les calomnies, les campagnes pour que le Nicaragua soit de nouveau en proie à des affrontements violents, à la guerre ». Les candidats arrêtés « conspiraient, ils ne voulaient pas que ces élections aient lieu car ils ont depuis longtemps vendu leur âme à l’empire [nord-américain] et vivent à genoux en réclamant des agressions contre le Nicaragua », a-t-il justifié.
Les journalistes de plusieurs médias internationaux, dont CNN et le Washington Post, se sont vu interdire l’accès au territoire, et le gouvernement a refusé la présence d’observateurs indépendants. Les autorités ont cependant accrédité samedi environ 200 « accompagnateurs électoraux » et journalistes triés sur le volet, des « militants sandinistes » étrangers, selon Urnas Abiertas, un observatoire indépendant.
« Restez à la maison »
Près d’un millier de Nicaraguayens exilés au Costa Rica ont manifesté à San José, le 7 novembre 2021, contre les élections présidentielles de leur pays. MAYELA LOPEZ / REUTERS
Décapitée, ses leaders en détention ou en exil, l’opposition a organisé une manifestation d’environ un millier de personnes à San José, la capitale du Costa Rica où se sont réfugiés plus de 100 000 Nicaraguayens. Les opposants n’avaient qu’un seul mot d’ordre pour les électeurs : « Restez à la maison ».
Les cinq candidats inscrits pour affronter le chef de l’Etat sont considérés par l’opposition comme des faire-valoir compromis avec le pouvoir. Selon un sondage Cid-Gallup, s’ils avaient eu le choix, 65 % des 4,4 millions d’électeurs inscrits auraient voté pour un candidat de l’opposition, contre 19 % pour le président sortant.
« C’est horrible : on ne peut pas parler, sinon on te met en prison. Pourquoi irais-je voter ? Seuls les sandinistes vont voter », a dénoncé José, 78 ans, qui a soutenu le FSLN pendant des décennies.
A l’inverse, Marina Aguirre, 36 ans, était, elle, décidée à voter : « Nous avons des écoles et des hôpitaux gratuits (…) [Daniel Ortega] s’assure que chaque enfant ait des jouets tous les ans ».
Chasse aux opposants
Trois ans après la répression qui a fait plus de 300 morts parmi les manifestants qui exigeaient au printemps 2018 la démission de Daniel Ortega, et six mois avant le scrutin, la chasse aux opposants fait rage : 39 personnalités politiques, hommes d’affaires, paysans, étudiants et journalistes ont été arrêtés depuis juin. Parmi eux, les sept candidats potentiels susceptibles de constituer une menace pour le président sortant.
Favorite de l’opposition dans les sondages, Cristiana Chamorro, 67 ans, fille de l’ex-présidente Violeta Chamorro (1990-1997), a été la première arrêtée, le 2 juin, et placée en détention à domicile.
Les opposants sont accusés d’atteinte à la souveraineté nationale, de soutenir les sanctions internationales contre le Nicaragua, de « trahison de la patrie » ou de « blanchiment d’argent », en vertu de loi votées fin 2020 par le Parlement, acquis à l’exécutif, tout comme le pouvoir judiciaire et le tribunal électoral.
La peur court dans le petit pays d’Amérique centrale de 6,5 millions d’habitants, le plus pauvre de la région et en proie depuis les troubles de 2018 à l’inflation, au chômage et à la pandémie de coronavirus, dont l’ampleur est niée par le pouvoir. Depuis les manifestations du printemps 2018, plus de 100 000 Nicaraguayens ont pris le chemin de l’exil.
Héros de la révolution, l’ancien guérillero Daniel Ortega est aujourd’hui accusé par ses opposants d’agir de la même façon que le dictateur Anastasio Somoza qu’il a contribué à renverser en 1979.
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