Editorial. « Il n’est pas exagéré de dire que nous avons réalisé un pas monumental en avant, comme nation. » Joe Biden n’a pas fait l’économie de superlatifs pour se féliciter de l’adoption, le 5 novembre, par la Chambre des représentants d’une pierre angulaire de son agenda politique : le projet de loi sur les infrastructures. D’un montant de 1 200 milliards de dollars (environ 1 040 milliards d’euros), ce texte vise à rénover ou à construire des ponts et des autoroutes, à moderniser les canalisations, les réseaux électriques, les ports et les aéroports. Qui pourrait s’opposer à un tel investissement massif dans l’avenir ? Malgré la polarisation extrême du champ politique, treize élus républicains ont franchi le pas et voté en faveur du texte.
Six démocrates de l’aile gauche du parti, en revanche, ont manqué à l’appel. Cette anomalie rappelle à quel point les deux derniers mois ont donné lieu à un spectacle à la fois classique et préjudiciable pour la crédibilité de ce parti : celui de marchandages, de chantages, de tractations infinies entre les courants modéré et progressiste.
Ce théâtre, qui s’explique par la très courte majorité bleue dans les deux chambres, risque de se prolonger encore au moins dix jours autour du destin du plan Build Back Better (« reconstruire en mieux », BBB), l’autre volet législatif du projet du président. Celui-ci vise à régénérer l’Etat-providence américain et à investir massivement dans l’économie verte. Les progressistes espéraient l’avancement de ce texte en même temps que celui sur les infrastructures. Avec habilité, Joe Biden et Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre, leur ont tordu le bras. Le changement de chorégraphie politique promet de nouvelles empoignades sur le contenu du BBB, les modérés attendant une évaluation sérieuse de son coût et de son financement.
Périlleuse voie du compromis
Joe Biden se définit comme un « optimiste congénital ». Il se dit convaincu que ce second projet de loi franchira lui aussi l’obstacle du Congrès. Si tel était le cas, le bilan de la première année de sa présidence pourrait être qualifié d’historique, si on y ajoute une campagne de vaccination impressionnante et le retrait militaire définitif d’Afghanistan, malgré le chaos terrible de sa mise en œuvre pendant l’été. Mais, au-delà du débat sur l’efficacité des mesures sociales et économiques envisagées, leur financement et leur pérennité, ce président démocrate a créé les conditions d’une douloureuse vérité politique, pas forcément irrémédiable : investir dans l’avenir ne rapporte rien dans l’immédiat.
Depuis août, la popularité de Joe Biden a dangereusement chuté. Des électeurs indépendants et modérés qui avaient permis sa victoire à la présidentielle, marquée par une participation record, l’ont lâché. En Virginie, l’élection d’un gouverneur républicain a illustré ce phénomène. L’hostilité dans les zones rurales à l’égard des projets démocrates est un autre signal d’alerte. Les hoquets dans les chaînes d’approvisionnement, l’inflation inquiétante, la guerre culturelle lancée par les républicains autour de l’éducation des enfants ou du droit à l’avortement, les limitations imposées aux droits de vote des minorités constituent des préoccupations immédiates.
Les démocrates doivent y trouver des réponses, sous peine de noyade aux élections de mi-mandat, à l’automne 2022. « Je sais que nous sommes divisés, je sais à quel point ça peut être méchant, et je sais qu’il y a des extrêmes des deux côtés qui rendent les choses plus difficiles qu’elles ne l’ont été depuis très, très longtemps », a conclu Joe Biden samedi. La voie du milieu, celle du compromis, n’est pas la moins périlleuse.
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