Opposition bâillonnée, absence d’observateurs indépendants, médias internationaux interdits d’accès au territoire : le président Daniel Ortega a totalement verrouillé le scrutin qui doit se dérouler dimanche au Nicaragua.
Gardés par environ 30 000 soldats et militaires, les bureaux de vote ouvrent dimanche 7 novembre au Nicaragua pour un scrutin sans surprise : le président Daniel Ortega est assuré d’être élu pour la quatrième fois consécutive, puisque tous ses rivaux sérieux ont été placés en détention.
« Une farce », « un simulacre » : Washington et l’Union européenne n’ont pas de mots assez durs pour condamner cette élection à laquelle ils dénient toute légitimité.
Les journalistes de plusieurs médias internationaux se sont vus interdire l’accès au territoire, et le gouvernement a refusé la présence d’observateurs indépendants.
Le dernier quotidien d’opposition du pays qui paraissait encore, La Prensa, a été investi à la mi-août par la police et son directeur jeté en prison.
Une semaine avant le scrutin, Meta, la maison-mère de Facebook, a annoncé démantelé un millier de comptes Facebook et Instagram gérés par une « usine à trolls » du gouvernement du Nicaragua pour manipuler l’opinion.
Décapitée, avec ses leaders en détention ou en exil, l’opposition prépare des manifestations au Costa Rica, à Miami ou Madrid et s’est mise d’accord sur un seul mot d’ordre pour les électeurs : « dimanche, restez à la maison ».
Les Nicaraguayens ne s’y trompent pas : les cinq candidats inscrits pour affronter le chef de l’État sont des comparses, des faire-valoir compromis avec le pouvoir.
C’est donc le taux d’abstention qui pourra seul donner une idée de l’adhésion réelle des Nicaraguayens au « ticket » formé par Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017.
Comparés à Frank et Claire Underwood, duo impitoyable de la série « House of Cards », ou surnommés « Lord et Lady Macbeth », Daniel Ortega, bientôt 76 ans, et sa femme, 70 ans, forment un couple fusionnel prêt à tout pour conserver un pouvoir absolu qu’ils exercent d’une main de fer.
Selon un sondage Cid-Gallup, s’ils avaient le choix, 65 % des 4,4 millions d’électeurs inscrits voteraient pour un candidat de l’opposition, contre 19 % pour le président sortant.
En revanche, pour l’institut de sondage M&R, proche du gouvernement, Daniel Ortega et les 90 candidats au Parlement présentés par le Front sandiniste de libération nationale (FSLN, au pouvoir) recueillent 70 % des intentions de vote.
« Il n’y a personne pour qui voter. C’est dans la poche pour Daniel (Ortega) », confie une femme de 46 ans à une journaliste de l’AFP. Elle demande l’anonymat : « On ne peut pas parler, sinon on te met en prison ».
Opposition à genoux
Trois ans après la répression qui a fait plus de 300 morts parmi les manifestants qui exigeaient au printemps 2018 la démission de Daniel Ortega, et six mois avant le scrutin, la chasse aux opposants s’est en effet ouverte : 39 personnalités politiques, hommes d’affaires, paysans, étudiants et journalistes ont été arrêtés depuis juin. Parmi eux, les sept candidats potentiels susceptibles de constituer une menace pour le président sortant.
Favorite de l’opposition dans les sondages, Cristiana Chamorro, 67 ans, fille de l’ex-présidente Violeta Chamorro (1990-1997), a été la première arrêtée, le 2 juin, et placée en détention à domicile.
Les opposants sont accusés, pêle-mêle, d’atteinte à la souveraineté nationale, de soutenir les sanctions internationales contre le Nicaragua, de « trahison à la patrie » ou de « blanchiment d’argent », en vertu de loi votées fin 2020 par le Parlement, acquis au pouvoir, tout comme le pouvoir judiciaire et le tribunal électoral.
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La peur court dans le petit pays d’Amérique centrale de 6,5 millions d’habitants, le plus pauvre de la région et qui est en proie depuis les troubles de 2018 à l’inflation, au chômage et à la pandémie de coronavirus, dont l’ampleur est niée par le pouvoir.
Depuis les manifestations du printemps 2018, plus de 100 000 Nicaraguayens ont pris le chemin de l’exil tandis que 150 opposants sont toujours derrière les barreaux, qualifiés par Daniel Ortega de « criminels » et de « fauteurs de coup d’État » à la solde de Washington.
Héros de la révolution, l’ancien guérillero Daniel Ortega est aujourd’hui accusé par ses opposants d’agir de la même façon que le dictateur Anastasio Somoza qu’il a contribué à renverser en 1979.
Pour l’analyste nicaraguayenne Elvira Cuadra, exilée, l’isolement du pays affectera les investissements et les financements internationaux, avec des conséquences sociales et une émigration croissante.
D’autant que, outre les nouvelles sanctions adoptées par les États-Unis et l’Union européenne, les relations se sont même tendues avec des alliés historiques comme le Mexique et l’Argentine. Restent Cuba, le Vénézuéla et la Russie comme soutiens du gouvernement de Daniel Ortega et Rosario Murillo.
Avec AFP
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