Nommé à la tête de l’équipe de France féminine de basket, Jean-Aimé Toupane s’est longuement confié à RMC Sport sur sa mission qui s’ouvre la semaine prochaine avec le premier rassemblement à l’INSEP.
Il est le nouveau visage du basket féminin français, Jean-Aimé Toupane a succédé à Valérie Garnier à la tête de l’équipe de France féminine. Malgré deux médailles cet été (argent à l’Euro, bronze à Tokyo), les Bleues n’ont pas ramené de titre depuis 2009. La fédération a décidé de confier les clés à un nouveau staff emmené par Jean-Aimé Toupane épaulé par Cathy Melain, double championne d’Europe. Pour RMC Sport, le nouveau sélectionneur revient sur sa nomination et sur son mandat qui s’ouvre la semaine prochaine avec le premier rassemblement à l’INSEP.
S’il y a un an, on vous avait dit que vous seriez sélectionneur de l’équipe de France féminine de basket, l’auriez-vous cru?
Non mais comme je l’ai toujours dit, je suis un entraîneur fédéral qui a des missions. Aujourd’hui, c’en est une. J’ai eu la mission d’entraîner le Pôle France, d’entraîner les U20, d’avoir été assistant des A. C’est une mission comme une autre même si elle de très grande importance et d’envergure. Cette mission-là, on ne peut pas la refuser.
Le début de votre aventure fédérale démarre en tant qu’assistant de Claude Bergeaud…
C’est comme ça que je suis arrivé dans les équipes de France et j’ai poursuivi après avec les U20 depuis 12 ans. J’ai toujours été attiré par cette maison qui fait du très bon travail.
Entraîner un club et entraîner une sélection, est-ce différent?
Deux choses différentes, deux métiers différents. Au quotidien, on a beaucoup plus le temps. Le temps d’installer les choses et mettre en place un projet à long terme. En sélection, c’est beaucoup plus court, il faut prioriser, aller à l’essentiel. En sélection, on a les meilleurs. La logique voudrait que cela se passe mieux mais comparer à nos adversaires, ce sont de vrais challenges, c’est à deux vitesses.
Notez-vous aussi la différence entre jeunes et professionnels?
La démarche change mais les joueurs ont à cœur de progresser. La démarche managériale est différente avec des jeunes où on est plus directif. En équipe nationale, on est en coresponsabilité. On essaye de mettre tout le monde autour de la table et de trouver la démarche pour atteindre nos objectifs.
Votre nomination fut-elle rendue possible par un basket féminin de plus en plus proche du basket masculin dans la structure et les idées de jeu?
Des collègues du basket féminin aurait, tout aussi bien, pu être à ma place. C’est une décision de l’Institution de me mettre là. Ce n’est pas plus parce que je viens du basket masculin. Il y a des coachs du basket féminin qui auraient mérité d’être là. Maintenant, ce choix se porte sur moi. Je viens du basket masculin, la volonté a toujours été de se rapprocher des meilleures nations: les Américaines. Il faut voir ce qu’elles font et nous en rapprocher. C’est ma volonté.
Êtes-vous impatient de voir les joueuses dimanche?
Oui, il y a de l’impatience. On attend avec mon staff. C’est nouveau. J’arrive. Je suis impatient de voir comment on va travailler. On est prêt à relever le défi même si sur la fenêtre de novembre, c’est très court. Les filles vont arriver en forme. On va mettre en place des choses et prioriser quelques aspects techniques et tactiques pour faire ses deux matchs là (contre l’Ukraine à Kiev le jeudi 11 novembre et face à la Lituanie le dimanche 14 novembre, ndlr).
Dans votre liste de 15 joueuses convoquées, vous en avez appelé trois issues des équipes de France de 3×3, qui jouent toutes en 5×5 en club, c’est une nouvelle passerelle pour la sélection?
Il ne faut pas oublier que l’on fonctionne en « team ». Il y a un gros réservoir de joueuses aussi bien 5×5 que 3×3 qui constituent le groupe France. La défection des joueuses (Duchet, Fauthoux, blessées) fait qu’on est allé chercher des joueuses de 3×3. Notre objectif est de rendre cette équipe, la plus forte possible.
Mais l’équipe de France 3×3 peut-elle constituer un vivier pour celle de 5×5?
Cela reste des jeunes joueuses en développement. Certaines passent par le 3×3 pour progresser. Pour celles qui viennent du 3×3, la porte est ouverte au 5×5. Si vous y êtes et que vous montrez que vous en capacité de rester, pourquoi pas. Il ne faut pas oublier que le projet fédéral, c’est le 5×5 et le 3×3 pour Paris 2024. Ces différents aller-retour ne peuvent que faire progresser nos joueuses.
« Paris 2024, c’est l’objectif ultime »
Paris 2024, est-ce que vous y pensez tous les jours?
Pour tout le sport français, Paris 2024, c’est quand même l’objectif ultime. Pour autant, comme je dis lors de mes rencontres avec les joueuses, il y a des étapes intermédiaires. Il ne faudra pas regarder trop loin et se prendre les pieds dans le tapis. Ces étapes nous permettront de mieux exister à Paris 2024. Quand on s’engage dans une compétition, on se doit d’avoir de très bons résultats. Mentalement, il faut que les joueuses comprennent qu’on est une grande nation de notre sport. Paris 2024 arrivera mais pour exister, on doit d’abord franchir les paliers qui arrivent déjà en novembre.
Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération, a voulu avec votre nomination apporter une culture de la gagne. Que cela veut-il dire?
C’est un état d’esprit, une volonté de donner le maximum. Quand on a des objectifs aussi élevés, on doit avoir au quotidien une attitude de champion. La façon dont on s’entraîne, dont on vit, dont on travaille avec les autres. Il faut que cela soit dans notre ADN. La culture de la gagne, c’est quand on a envie de progresser. Chaque jour, chaque instant. De manière individuelle et collective. Il ne faut pas oublier que l’on fait un sport collectif même si on parle souvent des individualités, mais c’est en s’associant avec les autres que l’on gagnera des titres.
Associer tout le monde, c’est-à-dire tous les acteurs du basket féminin?
C’est l’ensemble des équipes du basket féminin. Aujourd’hui, une équipe nationale ne peut exister sans les clubs. D’où notre démarche d’aller vers les coachs, les clubs, c’est un projet collectif. On ne peut pas rester là à attendre les joueuses et penser que cela va être possible. Le travail en amont d’identifier les meilleures joueuses, c’est déjà important mais on ne peut le faire qu’avec les clubs. Il faut installer un process qui puisse faire que chacun puisse être acteur de ce projet du basket français.
« Que les gens soient sceptiques, je le comprends »
Lors de votre nomination, vous avez essuyé de nombreuses critiques, cela vous a heurté?
Que les gens soient un petit peu sceptiques par rapport au fait que j’arrive, je le comprends. J’ai toujours pensé que c’est le terrain qui parlera. Concernant l’accueil que j’ai pu avoir, j’ai eu beaucoup plus de personnes qui m’ont dit bonne chance et qui étaient ravis que ce soit moi.
Dans vos échanges avec les clubs avec des coachs qui avaient postulés ou qui étaient candidats au poste, avez-vous ressenti des réticences?
Nulle part, je n’ai été mal accueilli. Je n’ai eu que de la bienveillance autour de moi. On a échangé avec certains coachs qui faisaient partie de l’ancien staff. Les gens qui ont candidaté, je les ai appelés. Ma volonté, c’est l’ouverture. On ne peut pas réussir au plus haut niveau si on est tout seul. La bienveillance, elle est là. Je n’oublie pas que ce sont les résultats qui seront le ciment de tout ça.
Votre staff est composé de Cathy Melain, ancienne internationale, David Gautier, entraîneur d’Angers et Grégory Halin, entraîneur fédéral, pourquoi ces choix?
Au-delà cette volonté, c’était l’expérience, la compétence, et la qualité humaine de ce staff. On fait un travail où il y aura des moments difficiles. C’est dans ces moment où la qualité humaine des gens fait la différence. Ma volonté est de constituer avec des valeurs que je partage avec les autres. Un staff uni envoie aussi des messages aux joueuses. On ne peut pas avoir un staff qui dysfonctionne et penser que les joueuses vont vous suivre. Je mets une importance capitale sur ça. Cathy était avec moi depuis le départ pour travailler avec Céline Dumerc. Elles ont une expérience du très haut niveau féminin. Elles ne sont pas là par hasard. Cela me rassure. Ces deux filles là, vont avoir une importance capitale dans ce dispositif de l’équipe de France féminine.
Vous avez déclaré: « J’aurai ma touche personnelle ». Avec peu d’entraînements, il faudra attendre au moins l’été 2022 si qualification pour la Coupe du monde?
Chaque entraîneur qui arrive vient avec sa personnalité mais je sais que sur une fenêtre comme novembre, on ne pourra pas tout chambouler. On s’appuiera sur le talent des joueuses, l’état d’esprit, la volonté, faire corps pour ces deux matchs là. C’est petit à petit. Il y a aussi une volonté de faire comprendre aux joueuses la direction. Cela reste un projet partagé. La coresponsabilité du staff et des joueuses.
L’ADN de l’équipe de France, c’est la défense. Vous continuerez sur ce chemin?
Tous les sports collectifs sont des sports de possession. Qui dit possession, dit gagner les balles. Gagner les balles passe par la défense. On ne peut pas s’imaginer avoir des objectifs très élevés et négliger cet aspect du jeu. Avoir cette volonté de gagner les ballons, avoir beaucoup de possession et de se projeter vers l’avant. Ma volonté est d’avoir cette assise défensive, le rebond, pression sur la balle, les lignes de passe. On a des joueuses qui ont du talent. En attaque, quand on peut punir dans l’immédiat, on punit, mais avec partage du ballon. Avoir un basket en mouvement, que les filles puissent courir et courir longtemps. Quand on regarde les équipes au top mondial, elles ont ces caractéristiques. Je sais que l’équipe de France a du talent. On essaiera de mettre en avant et de donner des responsabilités à ces talents.
A Tokyo, la France a ramené le bronze mais a perdu deux fois contre le Japon et son jeu fait d’adresse à 3 points, comment répondre à ça?
L’équipe de France, l’été dernier, a fait de très bons résultats malgré le fait que l’on voulait la plus belle médaille. Faire une finale aux championnats d’Europe et être sur le podium olympique, c’est un très bon résultat. Elles ont fait le travail. Malheureusement, il a manqué ce petit détail. On a une identité avec des profils de joueuses qui vont vite, athlétiques. Pour ma part, défendre, c’est capital pour gagner des matchs de très haut niveau. Le talent en attaque, le mouvement du ballon, l’adresse que l’on a avec certaines joueuses. Ce qui m’importe le plus, c’est l’état d’esprit. Ne jamais s’avouer vaincu. Tout le monde veut la même chose. Il est nécessaire que toutes les joueuses aient conscience que la plus belle médaille, on ne nous la donnera pas. Il faudra aller la chercher.
Sur la bague de champion NBA de son fils: « Je lui ai dit que c’était un escroc! »
Comment va-t-on la chercher?
Les joueuses avaient la culture de la gagne, elles voulaient gagner. Ce que je constate, c’est que ce qu’elles ont fait jusqu’ici, c’était très bien mais par rapport à nos objectifs, ce n’était pas suffisant. L’entraînement, cela en fait partie mais pas que, il y a l’aspect de l’accompagnement psychologique, d’autres aspects derrière, l’état d’esprit, comment on vit ensemble, comment on aborde les grandes échéances ensemble. C’est un chantier qui m’excite. Je suis quelqu’un d’optimiste. Quel que soit le statut du joueur, on peut toujours progresser. J’espère que cette démarche-là sera comprise.
Avez-vous identifié des leaders dans l’équipe?
Le leadership, il est multifacette. Je veux apprendre à connaître les joueuses. Je n’ai pas forcément une idée précise de qui est leader, qui ne l’est pas. Dès dimanche, on commencera à observer. Des retours que j’ai pu avoir, elles ont toutes envie de réussir et elles sont motivés par ce challenge-là. En 3 ans, on aura les 3 compétitions majeures de notre sport. Si on peut vraiment exister sur ces 3 rendez-vous, dans une carrière de joueuse, c’est quelque chose d’exceptionnel.
Depuis cet été, vous êtes aussi le papa d’un Champion NBA (Axel Toupane avec les Milwaukee Bucks). Est-ce une fierté?
Je suis heureux qu’il soit heureux. J’ai toujours eu une relation avec mon fils en le laissant faire ce qu’il a envie. Même si parfois ces choix n’étaient pas forcément compris. J’ai toujours dit: « Quand tu décides quelque chose, fais-le à fond, crois-en ce que tu fais ». La réussite qu’il a eue l’année dernière, est la récompense du travail d’un gamin qui ne s’est jamais reposé, l’été comme pendant la saison. Il a travaillé comme un fou même en ayant eu des problèmes de santé. Il continue de travailler. Parfois, on dit « mais qu’est-ce qu’il fait? » C’est lui. Jamais à l’endroit où on l’attend mais il est heureux comme ça, tant mieux.
Vous avez pu voir la bague de champion?
Oui il me l’a montré, je lui ai dit que c’était un escroc car il y a des joueurs qui restent 16 – 20 ans en NBA, ils ne l’ont pas. Lui il est arrivé, il a eu (rires).
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