La Cour suprême néerlandaise rend son jugement vendredi dans une affaire tentaculaire qui oppose les ex-actionnaires de l’ancien groupe pétrolier Ioukos à l’Etat russe, précédemment condamné à leur verser 50 milliards de dollars d’indemnisation.
Accusée par les ex-actionnaires d’avoir orchestré le démantèlement de Ioukos pour des raisons politiques, la Russie a été initialement condamnée à les indemniser en 2014 par une juridiction internationale située à La Haye.
La Cour permanente d’arbitrage (CPA) a estimé que les ex-actionnaires méritaient une indemnisation pour la dissolution de Ioukos après l’arrestation en 2003 de son ancien patron, Mikhaïl Khodorkovski, oligarque et ennemi déclaré du Kremlin.
Moscou a refusé de payer et s’est battu devant les tribunaux néerlandais au cours des sept dernières années pour obtenir l’annulation du jugement.
« Nous attendons la décision avec patience, nous sommes confiants quant à son issue », a déclaré à l’AFP Jonathan Hill, porte-parole des anciens actionnaires de Ioukos.
Moscou n’a fait aucun commentaire avant le verdict, qui doit être rendu public à 10H30 (09H30 GMT).
Ioukos, qui était le premier producteur d’or noir russe, a été fondée dans les années 1990 après la chute de l’URSS. Des hommes d’affaires, dont M. Khodorkovski, ont amassé des fortunes en acquérant à bas prix des actifs soviétiques, en particulier dans le secteur des matières premières, alors que le pays était plongé dans une crise profonde.
Ioukos a été vendu à la découpe, entre 2004 et 2006, en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft.
Gracié en décembre 2013 par le président russe, M. Khodorkovski vit depuis en exil et ne fait pas partie de l’affaire.
– Somme record –
L’affaire Ioukos est largement considérée comme le moment où Vladimir Poutine a mis au pas les grands oligarques russes, dont l’influence sur le système politique a connu son apogée sous Boris Eltsine.
L’homme d’affaires russe Mikhaïl Khodorkovski, le 31 août 2019 à Venise (AFP/Archives – Alberto PIZZOLI)
GML, société qui réunit les ex-actionnaires majoritaires de Ioukos, estime avoir droit à une indemnisation pour les pertes occasionnées par la dissolution du géant pétrolier.
La CPA leur a donné raison en 2014 et leur a alloué une somme record dans l’histoire de la juridiction, fondant sa décision sur un accord multilatéral datant de 1994, le traité de la charte sur l’énergie.
Mais dans un revirement surprenant, un tribunal néerlandais a annulé la décision en 2016, affirmant que la CPA n’était « pas compétente » pour statuer car Moscou a signé le traité mais ne l’a pas ratifié.
Une cour d’appel néerlandaise a ensuite à son tour rétabli en 2020 la sentence initiale, donnant lieu par la suite à un appel russe devant la Cour suprême. En avril dernier, le principal conseiller juridique de cette instance a recommandé le rejet de cet appel.
– Tensions diplomatiques –
Mais la saga juridique Ioukos pourrait bien ne pas se terminer vendredi. L’affaire pourrait encore être renvoyée devant la cour d’appel ou devant la Cour européenne de justice, selon des observateurs.
Et même si les ex-actionnaires obtiennent gain de cause, ils devront être patients car il faudra problablement passer par des procédures judiciaires pour saisir des actifs russes dans plusieurs pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, pour voir la couleur des 50 milliards de dollars.
Ces procédures ont déjà commencé avec la saisie en 2020 des actifs aux Pays-Bas de deux marques emblématiques de vodka russes, Stolichnaya et Moskovskaya.
La décision de la Cour suprême néerlandaise pourrait alimenter le climat de tensions entre La Haye et Moscou, dont les relations pâtissent de plusieurs affaires disputées devant les tribunaux.
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