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La Bundeswehr, angle mort de la politique allemande

Analyse. C’est peu dire que les questions de politique étrangère et de défense ont occupé une faible place pendant la campagne des législatives allemandes. Depuis les élections du 26 septembre, elles restent largement absentes du débat public. Signe révélateur : sur les douze pages du préaccord de coalition adopté par les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux (FDP), le 15 octobre, elles n’ont droit qu’à quelques paragraphes assez généraux en toute fin de document.

Au vu de l’actualité, un tel silence pose question. La campagne des législatives a en effet coïncidé avec un événement majeur : la fin de la mission de la Bundeswehr en Afghanistan. Première intervention de l’armée allemande hors d’Europe depuis 1945, elle s’est achevée de façon étrange. Fin juin, aucun ministre ne s’était déplacé pour accueillir le dernier contingent de retour en Allemagne. A l’époque, les autorités s’étaient justifiées en expliquant avoir voulu permettre aux soldats de rejoindre au plus vite leurs familles. Mais cette absence de protocole fit l’objet de vives critiques, y compris au sein de la « grande coalition » d’Angela Merkel, ce qui poussa le gouvernement à annoncer la tenue d’un hommage solennel aux quelque 93 000 soldats allemands ayant servi en Afghanistan dans le cadre de l’intervention de l’OTAN décidée au lendemain du 11 septembre 2011.

Initialement prévu fin août mais décalé de quelques semaines en raison de la participation de la Bundeswehr à l’évacuation de l’aéroport de Kaboul après la victoire des talibans, cet hommage a finalement eu lieu le 13 octobre devant le Reichstag, le siège de la Chambre des députés, à Berlin. Il n’a toutefois pas fait l’unanimité : en organisant pour l’occasion le Grosser Zapfenstreich, un cérémonial hérité de la Prusse du XIXe siècle, qui se déroule à la nuit tombée et mêle marche aux flambeaux et moments musicaux, le gouvernement a été accusé par plusieurs élus de gauche, ainsi que par des personnalités venant de différents horizons, de raviver des images rappelant un peu trop les mises en scènes grandioses du IIIe Reich. Le tout pour marquer la fin d’une intervention qui – indépendamment de la bravoure dont ses membres ont fait preuve – restera dans l’histoire comme une cuisante défaite militaire et politique.

Echec d’un hommage aux soldats

Le fait que le gouvernement ait échoué à organiser un hommage consensuel aux soldats ayant servi en Afghanistan est un symptôme. Il rappelle que, trois quarts de siècle après la fin de la seconde guerre mondiale, le rôle de l’armée reste un sujet de controverse en Allemagne. Ce que confirme le sondage publié dans le dernier numéro de la revue Internationale Politik : 75 % des personnes interrogées par l’institut Forsa sont favorables à ce que la Bundeswehr soit mobilisée pour évacuer des ressortissants allemands ou des civils étrangers en danger, comme ce fut le cas au mois d’août en Afghanistan ; 63 % approuvent sa participation à des opérations de maintien de la paix, comme celle des Nations unies au Mali (Minusma), où environ un millier de soldats allemands sont déployés ; 59 % estiment qu’elle doit intervenir pour empêcher que soient commis des crimes contre l’humanité ; 39 % sont d’accord pour que des soldats allemands forment des forces de sécurité étrangères ; et 37 % pour qu’ils participent à des missions de combat contre des groupes terroristes. Enfin, 14 % sont opposés à toute opération extérieure de l’armée quelle qu’elle soit.

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