Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a jugé « très graves », dans un entretien au Spiegel paru vendredi 5 novembre, les propos tenus par Emmanuel Macron mettant en cause l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française. « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », a déclaré M. Tebboune en se référant à l’interrogation formulée par le chef de l’Etat français – « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? » – lors d’un échange le 30 septembre à l’Elysée avec des jeunes issus de groupes de mémoire liés à la guerre d’Algérie.
Ce coup de froid est le plus grave depuis une quinzaine d’années entre les deux pays
Les propos de M. Macron rapportés par Le Monde avaient déclenché une crise ouverte entre la France et l’Algérie, qui avait aussitôt rappelé pour consultation son ambassadeur en poste à Paris et interdit le survol de l’espace aérien algérien par des avions français dans le cadre de l’opération « Barkhane » au Sahel. Ce coup de froid, le plus grave depuis une quinzaine d’années entre les deux pays, avait été précédé d’une série de contentieux autour de la question des visas, de la mémoire de la guerre d’Algérie, de contrats économiques et d’une politique française sur le Sahara occidental, jugée par Alger comme trop pro-marocaine.
L’entretien de M. Tebboune au Spiegel, réalisé le 26 octobre à Alger, révèle à quel point les propos de M. Macron vont laisser des traces durables dans les relations entre les deux pays et hypothéquer une reprise des contacts à court terme. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens », a assuré le président algérien à l’hebdomadaire allemand. « C’est un problème national, ce n’est pas un problème du président de la République, a-t-il ajouté. Aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes. » « M. Macron a blessé la dignité des Algériens, a-t-il relevé. Nous n’étions pas un peuple de sous-hommes, nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français viennent. » Alors que le Spiegel lui demandait s’il existait une possibilité que la crise bilatérale prenne « fin bientôt », le chef de l’Etat algérien a répondu : « Non. »
« Pour des raisons électoralistes »
M. Tebboune a estimé que les propos de son homologue français font « partie de la vieille haine coloniale », même s’il a admis que « M. Macron est loin de la haine coloniale ». « Pourquoi l’a-t-il dit alors ? », a-t-il interrogé, avant de répondre lui-même : « Il l’a dit pour des raisons électoralistes. » « Il a repris le même discours que tient le journaliste et auteur Eric Zemmour depuis longtemps », à savoir que « l’Algérie n’était pas une nation et que c’est la France qui en a fait une nation ». « Malheureusement, M. Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation en disant cela. »
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