Les mots sont écrits sur d’immenses panneaux gris, surplombant le lac : Frauen bauen Stadt, « les femmes construisent la ville ». Erica et Lucas Hofer, un couple de trentenaires, y jettent un œil distrait depuis la promenade Janis-Joplin, où ils sont en repérage. « Ici, toutes les rues portent des noms de femmes », remarque Lucas, ingénieur de profession. « Mais ce n’est pas pour cela que nous aimerions nous installer à Aspern Seestadt », ajoute sa compagne, elle aussi ingénieure. Un peu plus loin, ils remontent la rue Maria-Tusch, large et lumineuse, sans différence de niveau entre le trottoir et la chaussée. Près des halls d’entrée, des espaces sont conçus pour accueillir vélos, poussettes, chaises roulantes et jouets. « Et attendez de voir la suite », s’enthousiasme Lucas, imaginant déjà poser ses valises ici.
Crèches, commerces, bureaux, espaces de coworking au pied des immeubles : à Aspern Seestadt, tout a été conçu pour que les femmes, autant que les hommes, puissent profiter de l’espace public, mais aussi concilier au mieux vie professionnelle et vie personnelle. Ce quartier de 240 hectares à la périphérie de Vienne, au bout de la ligne 2 du métro, est l’un des projets de développement urbain les plus ambitieux d’Europe. Neuf mille personnes y vivent déjà. En 2030, elles seront 30 000. « L’ensemble est construit selon les derniers critères environnementaux et une démarche sensible au genre », détaille Wolfgang Gerlich, de PlanSinn, un cabinet d’urbanisme accompagnant le projet.
Démarche sensible au genre, ou gender mainstreaming, en anglais : Vienne est l’une des villes pionnières de cette approche préconisée par l’Organisation des Nations unies depuis 1995. « Il s’agit d’une stratégie visant à incorporer les préoccupations et expériences des femmes autant que celles des hommes dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques dans tous les domaines – politique, économique et social, explique l’institution, sur sa page Internet dévolue à ce sujet. Le but ultime est d’atteindre l’égalité entre les sexes. »
A première vue, cela peut sembler quelque peu éloigné de l’urbanisme et des problématiques quotidiennes gérées par les mairies. « Mais en vérité, nous sommes au cœur du sujet : Vienne, comme la plupart des villes européennes, a été conçue par et pour les hommes », explique l’architecte Sabina Riss, qui étudie les relations entre urbanisme et genre à l’université technique de Vienne. Comprendre : les mobilités, les rues, les quartiers ont été pensés essentiellement pour les trajets domicile-travail, négligeant les autres temps de la journée. A savoir ceux consacrés à amener les enfants à l’école, aux courses, aux soins à domicile, aux visites aux parents âgés… Autant de tâches encore principalement effectuées par les femmes, même si les lignes bougent.
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