Dans un champ d’oliviers en lisière de son village de Cisjordanie occupée, Dalal Sawalmeh secoue délicatement les branches de ses arbres pour la récolte annuelle, sans entendre le bruit habituel des olives qui tombent au sol.
Cette année, les arbres « n’ont donné que 50 ou 40% de leur capacité », explique la Palestinienne de 38 ans, qui se désole que certains oliviers n’aient pas donné de fruits du tout.
Oléiculteurs israéliens et palestiniens assurent que ce qui était un cycle de production immuable –une année de récolte florissante suivie d’une année plus maigre– est perturbé depuis environ une décennie. Ils mettent en cause le changement climatique.
L’hiver dernier en Israël et dans les Territoires palestiniens a été particulièrement chaud et sec, tandis que le printemps a été marqué par une vague de froid et des averses.
Dalal Sawalmeh, une Palestinienne, cueille les olives pour la récolte annuelle dans le village d’Assira al-Shamaliya en Cisjordanie, le 25 octobre 2021 (AFP – Emmanuel DUNAND)
Sur le terrain, « les changements sont vraiment évidents », assure Hazem Yassin, maire d’Assira al-Shamaliya, village près de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie où des oliviers sont cultivés depuis au moins 500 ans.
Si Israéliens et Palestiniens notent des perturbations et s’accordent sur la nécessité de s’adapter, leur approche diffère.
– « Super-variété » –
Récolte des olives pour la production d’huile dans le village d’Assira al-Shamaliya en Cisjordanie, le 25 octobre 2021 (AFP – Emmanuel DUNAND)
Dans un champ duquel on aperçoit au loin les grattes-ciels de Tel-Aviv, Giora Ben-Ari, scientifique au centre de recherche agricole Volcani, teste la résistance à la chaleur de 120 variétés d’oliviers provenant du monde entier.
L’une d’elle, la variété Barnea originaire d’Israël, assure de bonnes récoltes même après des étés chauds, tandis que la Souri, du Liban, conserve une qualité d’olives exemplaire mais en quantité limitée.
« Nous n’avons toujours pas identifié de +super-variété+ qui soit résistante sur tous les points », regrette M. Ben-Ari, dont l’institut est financé par des fonds publics.
Production d’huile d’olive dans une usine d’Assira al-Shamaliya en Cisjordanie, le 25 octobre 2021 (AFP – Emmanuel DUNAND)
« D’autres arbres fruitiers sont beaucoup plus sensibles aux températures élevées » que les oliviers, note-t-il. Mais ces derniers « sont généralement plantés sur des terres ingrates et se développent dans des conditions qui ne sont pas idéales. Chaque changement affecte leur rendement ».
Pour contrer la sécheresse, les oléiculteurs israéliens irriguent leurs oliviers, souvent au goutte-à-goutte. Selon M. Ben-Ari, environ un quart des 33.000 hectares de plantations d’oliviers sont approvisionnés en eau.
– L’eau, produit de luxe –
Production d’huile d’olive dans une usine du village d’Assira al-Shamaliya, le 25 octobre 2021 (AFP – Emmanuel DUNAND)
Mais côté palestinien, où les agriculteurs dépendent parfois des récoltes d’oliviers pour répondre aux besoins de leurs familles, l’irrigation relève souvent d’un luxe.
Seuls 5% des 88.000 hectares d’oliviers cultivés par des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sont irrigués, selon Fares Gabi, spécialiste de l’oléiculture et retraité du ministère palestinien de l’Agriculture.
Il pointe du doigt l’armée israélienne qui occupe depuis 1967 la Cisjordanie et « menace » des terres agricoles, car l’Etat hébreu restreint l’extraction d’eau pour les agriculteurs palestiniens, faisant monter les prix.
A Assira al-Shamaliya, un cinquième des terres se trouvent en « zone C », où Israël opère un contrôle total et où l’armée a d’ailleurs établi une base.
Les agriculteurs palestiniens sont aussi confrontés à la violence de colons israéliens qui détruisent leurs oliviers. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, 9.300 arbres ont ainsi été abattus entre août 2020 et août 2021.
Abdel Salam Sholi, un oléiculteur du village, a élagué certains de ses oliviers, quitte à faire une croix sur une partie du rendement, parce qu’il n’a pas les moyens de tous les irriguer.
Un confrère, Mohammed Amer Hammoudi, 67 ans, a décidé de continuer à irriguer malgré le coût. Ce Palestinien recevait un temps des aides du gouvernement américain pour arroser ses champs, suspendues par l’administration de l’ancien président Donald Trump.
L’eau lui coûte 10 shekels le mètre cube (2,75 euros), soit au moins six fois plus que pour un agriculteur israélien. Le transport de l’eau vers ses terres lui coûte 15 shekels (4,10 euros) par mètre cube supplémentaire, explique-t-il.
Mohammed Amer Hammoudi, un Palestinien, remplit une bouteille d’huile d’olive dans l’usine d’Assira al-Shamaliya, en Cisjordanie, le 25 octobre 2021 (AFP – Emmanuel DUNAND)
« L’eau est très chère mais ce système permet à de nouvelles branches de se développer », affirme-t-il, misant tout sur un nouveau réservoir d’eau de pluie pour baisser les coûts.
L’été dernier, Dalal Sawalmeh a elle aussi arrosé 30 de ses 150 arbres à l’aide de barils légèrement troués au fond, qui permettent à l’eau de s’écouler doucement au pied des oliviers. Une technique ayant assuré un rendement supérieur, mais pas suffisante pour pouvoir recruter des travailleurs pour la récolte.
« Je ne veux pas payer pour me faire aider », explique l’oléicultrice, qui a dû compter sur son époux et ses enfants. « On essaye de faire des économies comme on peut. »
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