Face aux assauts de la pluie et des bourrasques, Steph Noel a renoncé à sortir en mer, lundi 1er novembre, pour y pêcher les crustacés et homards qui font la réputation des eaux de Jersey. Son bateau de 8 mètres de long, le Bellbird, est resté bien attaché aux quais de la ville de Saint-Hélier, comme toute la flottille de l’île anglo-normande, dans l’attente d’un ciel dégagé. « Peut-être plus tard dans la semaine », espère Steph Noel, 52 ans dont trente-cinq années à déposer ses casiers en direction des côtes du département de la Manche, situées à une vingtaine de kilomètres.
La météo permettra peut-être aux pêcheurs jersiais de sortir en mer cette semaine, mais la France pourrait en décider autrement. L’interdiction, pour les ports bretons et normands, d’accepter le produit de leur pêche figure parmi les mesures brandies par le gouvernement afin de protester contre le nombre de licences, jugé trop faible, accordées aux navires français pour leur permettre d’accéder aux eaux territoriales de la dépendance de la couronne britannique. La France envisage par ailleurs de systématiser les contrôles de douanes et a menacé, fin octobre, de « revoir l’approvisionnement énergétique » fourni par EDF à Jersey.
Dans l’attente du résultat des discussions en cours entre le Royaume-Uni, Jersey, la France et la Commission européenne, la poissonnerie Aqua-Mar a décidé de suspendre son activité tant qu’un risque subsiste que sa marchandise ne puisse être envoyée de l’autre côté de la Manche. Principale intermédiaire entre les pêcheurs locaux et le continent, l’entreprise, installée sur le port de Saint-Hélier, a vendu cette année une grande partie de ses 420 tonnes de produits de la mer à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
« Nous avons plus besoin de vous que vous de nous », estime son fondateur, Tony Porritt, assis dans un bureau attenant aux bassins de stockage des crustacés. Avant le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), 80 % des navires de pêche présents au large de Jersey battaient pavillon français. De son côté, l’île dépend à 80 % de la France pour vendre ses tourteaux, bulots ou araignées de mer, d’où ils sont exportés dans toute l’Europe. En quarante ans de carrière, le désormais retraité a toujours entretenu de bons rapports avec ses confrères français. « La question va bien au-delà du milieu de la pêche, regrette-t-il. Jersey est au milieu d’une bataille qui la dépasse. »
Des preuves jugées parfois insuffisantes
L’île n’a jamais été membre de l’UE et ses habitants n’ont pas été invités à participer au référendum sur le Brexit. Les accords de la baie de Granville, signés en 2000 après dix ans de négociations pour pacifier les rapports entre pêcheurs dans la zone, ont été balayés par le traité régulant les relations entre l’UE et le Royaume-Uni à la suite du divorce. « Le texte édicte une règle simple : un bateau qui a pêché plus de dix jours par an dans les eaux de Jersey entre 2017 et 2020 a le droit d’obtenir une licence », explique Gregory Guida, ministre-assistant de l’intérieur et de l’environnement du gouvernement insulaire.
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