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Au Nigeria, les combats ont repris entre Boko Haram et le groupe Etat islamique

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Image extraite d’une vidéo prise le 2 janvier 2018 par le groupe djihadiste Boko Haram montrant son leader Abubakar Shekau. HANDOUT / AFP

La mort brutale d’Abubakar Shekau n’a pas mis fin aux combats entre groupes djihadistes rivaux au Nigeria. En mai, le chef de Jamaat Ahl Al-Sunnah Lil Dawa Wal Jihad (JAS) – l’une des factions de la mouvance communément appelée Boko Haram – avait été forcé de déclencher sa ceinture d’explosifs pour échapper aux hommes du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), qui le traquaient jusqu’au cœur de son bastion dans la forêt de la Sambisa. Mais, six mois plus tard, tous les anciens combattants du groupe considéré comme le canal « historique » de Boko Haram n’ont pas rendu les armes.

Au Cameroun et dans la Sambisa où sont désormais positionnés les hommes de l’Etat islamique, « il n’y a pas vraiment de résistance organisée, mais plutôt des restes de JAS », constate Vincent Foucher, chercheur au CNRS. On les retrouve dans certains groupes d’hommes armés à motos « qui pratiquent le kidnapping et tentent de survivre en dehors du contrôle de l’Etat islamique ».

En revanche, « la résistance est effective » du côté du lac Tchad où une sous-faction du JAS subsiste sous la houlette du djihadiste Ibrahim Bakoura, aussi connu sous le nom de Bakoura Doro.

En 2016, lorsque le groupe Boko Haram implose et se scinde en deux groupes (le JAS et l’Iswap), Ibrahim Bakoura est resté fidèle à Abubakar Shekau, bien qu’il n’y ait pas eu « de relation forte, ni de contact régulier » entre les deux hommes ces dernières années à en croire Vincent Foucher.

Une « centaine de morts »

Alors qu’un cessez-le-feu apparent semblait régner entre les deux factions, « les combats ont repris avec un niveau d’intensité très important » depuis la mort d’Abubakar Shekau, note le chercheur. Fin septembre, la faction Bakoura est notamment parvenue à s’emparer de l’île stratégique de Kirta Wulgo.

Certaines sources au Nigeria évoquaient alors une bataille sanglante qui aurait fait plus d’une « centaine de morts » dans les rangs des djihadistes. Mais ces chiffres sont à relativiser selon les chercheurs, qui soulignent la difficulté à obtenir des informations fiables dans cette région. « Il ne faut pas exagérer l’importance de cet incident », tempère Vincent Foucher, qui rappelle que les hommes du groupe Etat Islamique ont ensuite repris le contrôle de cette position.

Si les combattants de l’Iswap sont moins à l’aise dans un environnement lacustre, la faction Bakoura peine quant à elle à s’éloigner de son fief du lac Tchad « faute de véhicules armés ». Un ancrage qui laisse de facto l’avantage final à l’Iswap, même si le groupe a récemment subi de sérieux revers. Son chef, Abu Musab Al Barnawi a été « neutralisé » dans le courant du mois d’août, vraisemblablement au cours d’un de ces affrontements fratricides.

Sa disparition n’a pas été confirmée par l’Iswap, mais celui qui avait pris les rênes de l’organisation dès 2016 avant de revenir aux commandes en ce début d’année après deux ans d’absence, a été « au moins grièvement blessé » selon Vincent Foucher. Un événement qui n’a pas changé pour autant les dynamiques en place, vu la résilience de l’Etat Islamique et la solidité de ses structures.

L’hémorragie du côté de Boko Haram

Du côté de Boko Haram en revanche, c’est l’hémorragie. Depuis la mort d’Abubakar Shekau et la reprise de la forêt de la Sambisa par l’Iswap, des milliers de personnes se sont rendues aux autorités nigérianes. « Jusque-là, un total de 13 243 terroristes et leurs familles, comprenant 3 243 hommes, 3 868 femmes et 6 234 enfants se sont rendus à nos troupes à travers tout le Nord-Est », indiquait l’armée à la mi-octobre.

Ceux-ci sont pris en charge et interrogés, avant d’être conduits dans l’un des camps de déplacés qui entourent la ville de Maiduguri, la capitale de l’Etat du Borno dans le nord-est du pays, où un programme de réinsertion à la vie civile peut leur être proposé.

Le chercheur de l’Institute for Security Studies, Malik Samuel, qui a interrogé certains de ces « sortants » affirme que l’Iswap « a donné le choix » à ceux qui se trouvaient dans la forêt de quitter les lieux s’ils ne souhaitaient pas rejoindre ses rangs. « La majorité sont des civils qui ne pouvaient en aucun cas partir du temps où Shekau était en vie, car celui-ci les utilisait pour du travail forcé ou comme boucliers humains. Quiconque tentait de fuir était froidement exécuté », détaille-t-il.

Vincent Foucher décrit quant à lui « un mélange de femmes et d’enfants de combattants, des civils qui étaient sous la coupe du JAS ou des sympathisants non combattants. Il y a aussi des captifs, qui ont été incorporés au fil du temps dans ses rangs ».

Encerclés par l’Iswap

D’autres encore sont d’authentiques combattants, y compris quelques commandants de Shekau. « Certaines de ces redditions ont sans doute un côté plus opportuniste que celles qui ont eu lieu ces dernières années dans le cadre du programme de déradicalisation Safe Corridor [instauré dès 2016 au Nigeria] », ajoute Vincent Foucher. « Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas voulu rejoindre leurs adversaires que ces hommes ont complètement abandonné l’idée du djihad », pointe-t-il.

Encerclés par l’Iswap qui contrôle aussi la route qui mène au bassin du lac Tchad, les anciens fidèles de Shekau n’ont plus beaucoup d’options, même s’ils pourraient encore chercher à se regrouper au cœur de la Sambisa. Leurs effectifs sont résiduels et leurs moyens dérisoires face à la puissance de feu du groupe Etat Islamique en Afrique de l’Ouest.

Pour ceux qui en douteraient encore, Daesh a publié samedi 30 octobre une vidéo de propagande de 17 minutes dépeignant les « exploits » de sa filiale en Afrique de l’Ouest. On y voit notamment une succession d’images de batailles, l’exécution de militaires nigérians par un enfant et un défilé de véhicules et d’armes sophistiquées, qui rappellent que l’Iswap s’est imposé comme le groupe djihadiste dominant dans la région.

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