Après l’indifférence glaciale, l’escalade. Une crise majeure, diplomatique et économique, s’est ouverte avec l’adoption par l’Arabie saoudite, vendredi 29 octobre, d’une série de mesures punitives à l’encontre du Liban. Le royaume a été suivi par Bahreïn, son très proche allié, puis par le Koweït et les Emirats arabes unis. Chacun de ces pays a ordonné l’expulsion de l’ambassadeur libanais en poste sur son territoire, ainsi que le rappel de son représentant à Beyrouth. Riyad, en outre, a bloqué toute importation en provenance du Liban : une décision douloureuse pour le pays du Cèdre, en faillite, et pour qui le royaume est un marché important.
L’Arabie saoudite justifie ces sanctions par les propos tenus contre la guerre au Yémen par le ministre de l’information libanais Georges Qordahi, du temps où il n’occupait pas de position officielle. Dans un entretien télévisé, enregistré en août pour une émission de la chaîne qatarie Al-Jazira et diffusé lundi 25 octobre, M. Qordahi avait qualifié les bombardements saoudiens au Yémen d’« agression ». Il avait dénoncé un « conflit absurde » et pris la défense des rebelles houthistes soutenus par l’Iran. Des propos qui ne pouvaient que susciter l’ire de Riyad, mais qui apparaissent comme un prétexte.
Dans des déclarations aux médias, le ministre des affaires étrangères saoudien Faycal Ben Farhan s’est montré plus explicite : les commentaires de Georges Qordahi sont, selon lui, « le symptôme d’une réalité », et les relations avec le Liban sont « infructueuses (…) en raison de l’hégémonie du Hezbollah sur la scène politique locale ». Il a aussi accusé le mouvement chiite libanais d’armer les rebelles houthistes au Yémen.
Pourtant, ni les orientations politiques du ministre, ni l’influence acquise par le Hezbollah et son parrain iranien au Liban ne constituent une nouveauté. M. Qordahi, ex-figure du paysage audiovisuel arabe, a officié sur une chaîne saoudienne, dont il a été écarté en 2011, en raison, dit-il, de ses opinions – soutien à Bachar Al-Assad et au Hezbollah.
Quant au parti-milice, sa montée en puissance sur la scène locale et régionale remonte à 2015-2016, période cruciale qui a vu son allié, Michel Aoun, se hisser à la présidence du Liban et ses combattants contribuer au sauvetage du régime Assad en Syrie. Ses adversaires libanais, soutenus par Riyad, avaient au contraire fait le pari d’un changement de pouvoir à Damas.
Nouvelle calamité pour un pays à genoux
Le soudain raidissement de Riyad nourrit donc de multiples spéculations. La coordination entre les pays du Golfe – seul Oman et le Qatar n’ont pas imité l’Arabie saoudite – a-t-elle été préparée en amont ? Riyad a-t-il choisi d’accroître la tension au Liban pour renforcer sa main, dans le processus de négociation avec Téhéran, entamé il y a plusieurs mois à Bagdad ? S’agit-il d’une réaction aux récentes avancées des rebelles houthistes au Yémen ? Ou encore, l’Arabie saoudite vient-elle contrer la stratégie alternative de la Jordanie et de l’Egypte, qui misent sur un deal énergétique quadripartite – livrer du gaz et de l’électricité au Liban via la Syrie – pour ramener ces deux pays dans le giron arabe ?
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