Le cliché est apparu en ligne le 29 septembre. On y voit une jeune fille blonde, à genoux sur la place Rouge, devant un garçon auquel elle semble prodiguer une fellation. Le doute est toutefois limité : les deux sont bel et bien habillés, et la mise en scène n’était destinée qu’à alimenter le compte Instagram d’un influenceur à la petite semaine, Rouslan Bobiev, le garçon sur la photo.
Les deux plaisantins ont seulement négligé un point : plus que le blouson siglé « police » porté par la jeune fille, c’est le fond choisi pour leur photo, sur lequel se distinguent nettement les bulbes dorés de la cathédrale Saint-Basile, qui a choqué.
Polémique immédiate en ligne, arrestation du couple dès le lendemain et, pour finir, une condamnation pénale prononcée vendredi 29 octobre. Malgré leurs multiples excuses, répétées durant l’audience, Rouslan Bobiev et Anastasia Tchistova, 23 et 19 ans, devront passer dix mois en prison.
Archives épluchées par la police
Cette condamnation est la première à de la prison ferme prononcée par un tribunal russe en vertu de la loi sur « l’offense aux sentiments des croyants ». Ce texte avait été adopté en 2013, après l’intrusion des Pussy Riot dans la cathédrale du Christ-Sauveur pour une « prière » punk aux accents très politiques. A l’époque, les juges avaient dû condamner trois des activistes à deux ans de prison pour « vandalisme » motivé par la « haine religieuse ».
Depuis, une trentaine d’affaires ont été jugées en vertu de cette loi, mais sans aller au-delà du sursis. Deux ans et trois mois, par exemple, pour un homme qui avait joué au Pokemon Go dans une église en donnant à ce geste une signification politique, et qui avait tout de même passé quatre mois en détention provisoire.
Cette première a immédiatement donné des idées aux policiers de toute la Russie, qui épluchent frénétiquement les archives des réseaux sociaux. Première ciblée : une blogueuse qui avait montré ses seins devant cette même cathédrale Saint-Basile. Elle aussi sera jugée en vertu de l’article 148 du code pénal, quand bien même elle assure que le cliché remonte à trois ans et qu’il a été mis en ligne à son insu.
La police pétersbourgeoise, pas en reste, a quant à elle exhumé la photo d’une jeune fille retroussant sa jupe devant la cathédrale Saint-Isaac et montrant ses fesses (vêtues d’un string) à l’objectif. Arrêtée le 30 octobre, elle a été présentée le lendemain à un juge, menottée et en cage. Les « faits » remontent à l’été, mais des témoins ont été miraculeusement retrouvés, qui assurent que la vue de ces « fesses nues » avait « offensé eux-mêmes, le pouvoir, l’Eglise, l’Etat et la société », selon le compte rendu du tribunal.
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