Officiellement, c’est encore la faute du Covid-19 : depuis le début de la crise sanitaire, le projet de suppression du changement d’heure semi-annuel dans l’Union européenne (UE) est descendu en bas de la liste des priorités des Etats membres, loin derrière le Green Deal et les 750 milliards d’euros du plan de relance. Votée en 2019 par le Parlement européen, la directive demandant aux Vingt-Sept de faire un choix entre l’heure d’hiver et l’heure d’été aurait dû entrer en application en 2021, mais, dimanche 31 octobre, les Français vont bien retirer une heure à leur horloge (à 3 heures du matin dans la nuit de samedi à dimanche, il sera 2 heures) – et devraient faire de même en 2022.
Malgré l’engouement d’une consultation menée par la Commission européenne en 2018, à laquelle avaient participé 4,8 millions de personnes – dont 84 % favorables à la fin de la bascule –, les gouvernements rechignent à se mettre d’accord. Le Conseil de l’UE, qui rassemble les ministres des Etats par thématique, n’a toujours pas donné son avis au projet de directive, un prérequis avant toute entrée en vigueur. Le sujet n’était pas au programme du semestre de présidence de l’Union tenue par la Slovénie jusqu’en décembre et n’a pas été annoncé pour la présidence française, de janvier à juin 2022.
Intérêts divergents
Les parlementaires européens ont laissé la possibilité à chaque pays de se fixer sur l’heure légale du fuseau horaire du pays (en hiver) ou de conserver une heure supplémentaire (en été). Avec ce choix, de nombreuses incompatibilités potentielles apparaissent : la Pologne pourrait, par exemple, être décalée avec l’Allemagne mais sur la même ligne que la République tchèque, occasionnant un casse-tête permanent aux frontières – les ministères des transports ont d’ailleurs été désignés responsables du sujet au sein du Conseil de l’UE. Pencher pour une harmonisation totale aurait posé d’autres problèmes : un lever du jour en milieu de matinée une partie de l’année en l’Espagne, si l’heure d’hiver est maintenue ; une nuit terminée dès 3 heures du matin en Pologne si l’heure d’été couvre toute l’année.
Pour limiter les discordances, la Commission a demandé à ce que des pays proches géographiquement s’alignent, par groupe, sur un choix commun. Seulement, les intérêts divergent : l’exécutif allemand, avec le soutien de l’opinion publique, est largement favorable à l’heure d’été mais n’est pas suivi par tous ses voisins. La République d’Irlande est aujourd’hui calée sur le rythme britannique et s’en défaire pourrait encore complexifier la gestion frontalière avec l’Irlande du Nord, déjà source de tensions depuis la mise en œuvre du Brexit.
« C’est un sujet cher à nos citoyens et nous devons leur montrer que l’Union européenne est attentive à leurs préoccupations », appelait en mars 2021 l’eurodéputé suédois Johan Danielsson, rapporteur du projet de directive. « Cela est seulement possible si nous lançons des négociations sur de nouvelles règles le plus tôt possible », ajoutait dans un communiqué commun l’eurodéputée française Karima Delli, présidente de la commission transport et tourisme du parlement européen. Dans un entretien à Sud Ouest, le 21 octobre, l’élue Europe Ecologie-Les Verts appelait à la nomination d’une « coordination européenne pour que ce sujet soit remis à l’ordre du jour ».
« Le temps passe très lentement »
Depuis, aucune nouvelle. Le ministère des affaires étrangères français maintient, en réponse à Mme Delli, que les échanges « se poursuivent » sur le sujet, sans apporter plus de précisions. « Le temps passe très lentement quand il s’agit du changement d’heure », a résumé un porte-parole de la Commission au quotidien allemand Die Welt. Si un accord finit par se dégager au niveau européen, le choix entre heure d’été et heure d’hiver resterait encore à faire dans chaque Etat membre. En France, une consultation de la commission des affaires européenne à l’Assemblée nationale avait récolté 2,1 millions de réponses : 83 % des participants étaient pour la fin du changement d’heure ; 59 % se disaient en faveur de l’heure d’été.
En France, le passage à l’heure d’été avait été décidé en 1976 pour économiser de l’énergie en réduisant les temps d’éclairage artificiel le soir. De nombreuses études ont, depuis, relativisé l’apport réel de la mesure sur ce point. Les parlementaires européens mettent en avant, aujourd’hui, des effets présumés sur la santé pour soutenir la suppression du changement semi-annuel.
« Il est estimé que 20 % de la population souffre de problèmes physiques ou mentaux liés au changement d’heure », avance Johan Danielsson, bien qu’une synthèse sur le sujet produite par le Parlement européen en 2018 rappelait que les éléments de preuve sur « des conséquences globales [du changement d’heure] sur la santé ne sont pas concluants ».
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