Sport le plus populaire au monde, le football a une empreinte carbone loin d’être négligeable. Alors que la COP26 s’ouvre dimanche à Glasgow, quelles initiatives sont prises pour rendre le ballon rond aussi vert que ses pelouses ?
Avec la cadence de matches infernale amenant les footballeurs (en avion, forcément) aux quatre coins de l’Europe ou du monde et les déplacements des supporters, les impératifs du football professionnel constituent un cocktail au lourd bilan carbone.
Un sujet dans l’air du temps
« La pratique sportive est intimement liée à la qualité de l’environnement », rappelle à France 24 Arthur Miche, président fondateur de Football Écologie France, une association visant à faire de ce sport un acteur majeur de la transition écologique. « Si les conditions climatiques continuent de se dégrader et les températures de grimper, le sport en plein air pourrait vite devenir asphyxiant. »
Dans une vidéo publiée en juillet 2020, le club anglais de Manchester City s’inquiétait de l’impact du réchauffement climatique sur le futur du football. Intitulé « The End of Football » (« La fin du football »), le spot nous projette en 2045, dans un futur où les pénuries d’eau empêchent les matches de Premier League, et notamment celui du Manchester City dirigé par Phil Foden, de se tenir.
Manchester City n’est pas un cas isolé : « Nous sommes actuellement sursollicités, autant par les clubs professionnels qu’amateurs, ce qui montre bien que le football veut se saisir des enjeux écologiques », explique Arthur Miche.
Le football a un impact significatif à travers ses pollutions et ses émissions de CO2, selon des données récoltées par l’association : transports des joueurs er des supporters pour les compétitions (2,1 millions de tonnes de CO2 pour la Coupe du monde 2018, soit l’impact écologique de 200 000 Français) production massive de déchets (un match de Ligue 1 en produirait 10 tonnes), consommation d’eau pour l’entretien des pelouses…
Le président de Football Écologie France insiste sur la nécessité de changer les habitudes. « En matière d’émissions de CO2, c’est vraiment la question des transports qui est capitale : transports vers les entraînements, les matches, transport des supporters. L’autre grand enjeu, c’est la gestion des déchets. Il y a beaucoup de gaspillage. Quand il y a des grands événements, c’est compliqué de viser le zéro déchet », explique Arthur Miche, dont l’association apporte son expertise pour développer l’offre de transports en commun afin de se rendre au stade et tendre vers une réduction des déchets produits.
« Notre but est d’accompagner les clubs et les collectivités – qui sont bien souvent les propriétaires des stades – de manière opérationnelle afin d’intégrer l’écologie dans le football. On propose des expertises, des créations d’événements, des outils pour répondre aux problématiques du terrain. On tente également de diffuser au maximum les bonnes pratiques », détaille Arthur Miche.
L’éco-supportérisme comme moyen d’action
Exemple d’actions concrètes, samedi 23 octobre, Football Écologie France a organisé aux côtés des Girondins de Bordeaux et de l’association The SeaCleaners une marche urbaine de nettoyage. Objectif : mobiliser les supporters pour récolter le plus de déchets possible en 90 minutes, l’équivalent d’un match de foot. La récole des 317 fans présents a été conséquente : 110 kg de plastique ont été ramassés, ainsi que 92 kg de verre, 38 kg de métal dont 1 700 capsules, 23 kg de carton, 428 masques et 127 000 mégots.
L’opération illustre à merveille le concept d’éco-supportérisme, mis en avant par l’association : une logique ascendante qui place le supporter au cœur de l’action.
« Pour nous, chaque supporter et supportrice peut avoir des engagements qui changent la donne. Il est possible de changer sa façon de pratiquer le sport (transports, gestion des déchets). L’autre levier, c’est le soutien de son club en matière d’écologie. Des clubs comme Bordeaux ou l’OL peuvent faire toutes les actions qu’ils veulent, si les supporters ne suivent pas, ils n’iront pas loin », affirme Arthur Miche, dont l’association avait publié un livre blanc à l’occasion de l’Euro-2021 sur les bons comportements à adopter. « Les supporters sont des citoyens. S’ils sont sensibilisés à la question, cela met de la pression sur les clubs pour qu’ils s’emparent du sujet. »
Les grands événements, la source de tous les maux
« Actuellement, les grands contributeurs sur le bilan carbone sont les grands événements, avec deux postes d’émissions de CO2 énormes : le transport des spectateurs et la constructions des stades », note Mathieu Djaballah, maître des conférences à l’université Paris-Saclay spécialiste de la responsabilité sociale et environnementale dans le sport, interrogé par France 24.
Avec la Coupe du monde au Qatar dans moins d’un an, le football ne risque pas d’améliorer son empreinte carbone : entre l’arrivée de fans des quatre coins du monde pour voir le tournoi qui se déroulera cette année dans la petite péninsule et les stades climatisées, la facture carbone risque d’être salée. Pourtant, par un tour de passe-passe, la Fifa affirme que le bilan carbone de l’événement sera neutre. Les organisateurs du tournoi se sont effet engagés à atténuer et à compenser toutes les émissions de gaz à effet de serre du tournoi.
Souvent, les promesses de plantations d’arbres fleurissent alors. L’UEFA a ainsi promis de planter 50 000 arbres pour compenser son dernier Euro disputé dans douze pays.
« On va calculer son empreinte (carbone), puis on va acheter des crédits pour replanter des arbres », résume Mathieu Djaballah. « On arrive à un zéro, mais c’est un faux zéro. Ce n’est pas une logique soutenable. »
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« Compenser le carbone, c’est un geste symbolique intéressant, mais qui ne devrait arriver qu’en dernier recours, quand on a déjà fait le maximum pour réduire les émissions », note Arthur Miche. « C’est un sujet décrié de planter des arbres après une compétition, car on a l’impression que les instances n’ont pas tenté de réduire leur impact. »
Schizophrénie du football
D’un côté, on vante les actions écologiques et les bilans carbone neutres ; de l’autre, on multiplie les initiatives polluantes et les dates de compétition. Récemment, la LFP annonçait la délocalisation d’un match de Ligue 1 en Chine pour séduire le marché asiatique avant de rétropédaler. La Fifa fait le forcing pour une Coupe du monde tous les deux ans… Le monde du football serait-il hypocrite ?
« Il s’agit, en réalité, d’une tension entre les enjeux écologiques et les enjeux économiques. L’écologie est désormais quelque chose de réclamée par l’opinion publique. Cela force les clubs et les instances à s’emparer du sujet. Beaucoup de progrès ont été faits, notamment dans l’aménagement des stades, les offres de transports », note Mathieu Djaballah. « Cependant, cette volonté de faire des efforts se heurte à une limite : la remise en cause totale du modèle économique du sport professionnel. On préfère voir l’écologie comme un geste du quotidien plutôt que comme un problème macro. Dans le cas des grands événements, le but premier reste toujours d’attirer des spectateurs du monde entier. Il y a donc une profonde schizophrénie : ces spectateurs brûlent 80 % de leur impact carbone mais arriver sur place, on leur demande de prendre les transports en commun et de trier les déchets pour des raisons écologiques. »
« Il y a une forme d’incohérence et d’asymétrie », ajoute Arthur Miche. « Les instances sont en train de prendre conscience des enjeux mais, dans le même temps, cette prise de conscience n’a pas encore gagné l’ensemble des personnes prenant part au processus de décision. On peut prendre l’exemple du match délocalisé en Chine. On peut supposer que la personne qui a effectivement pris cette décision est loin d’être sensible à la question écologique, alors même que d’autres au sein de la LFP connaissent parfaitement le sujet. »
Pour le président de Foot Écologie France, les instances dirigeantes du football possèdent un moyen pour rendre ses événements plus écologiques : un cahier des charges exigeants en matières d’enjeux environnementaux.
« Il faut se rappeler que la Coupe du monde 2022 a été attribuée au Qatar en 2010, une époque déjà lointaine en matière de conscience écologique. Quand le Qatar a été choisi, ces enjeux n’étaient pas intégrés. Il faut désormais que les cahiers des charges soient très exigeants avec les pays-hôte et imposent une politique d’achats responsables et cohérentes au niveau écologique. La France a su faire ça pour l’Euro-2016 et le Mondial féminin. Il faut que le Qatar soit le dernier de ces événements où des stades sont construits ex nihilo dans des endroits reculés », veut croire Arthur Miche, optimiste.
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