Les Laotiens ne veulent pas d’un bouddha chinois géant : le groupe immobilier chinois Wanfeng Real Estate, de Shanghaï, qui construit depuis 2012 une zone économique spéciale de 3,65 kilomètres carrés à Vientiane, dans la région des marais de That Luang, à l’est de la capitale laotienne, est sous le feu des critiques. En cause, le projet d’ériger une statue géante de bouddha, destinée à devenir l’attraction centrale d’un parc à thèmes aquatique pour touristes – essentiellement chinois.
Le projet n’est pas nouveau. Mais sa mise en œuvre semble imminente, depuis que le vice-premier ministre du pays, Kikeo Khaykhamphithoun, s’est rendu fin août dans les locaux du promoteur pour en prendre connaissance. Que le responsable communiste – le Laos est dirigé depuis 1975 par le Parti révolutionnaire populaire lao – se soit félicité, selon la presse officielle laotienne, que cette « représentation gigantesque de Bouddha puisse donner une impulsion au bouddhisme à l’ère de la mondialisation, tout en encourageant le développement économique de la ZES » , passe encore. Mais qu’il se soit fait présenter une réplique de la future statue, sous la forme d’un bouddha debout, dans le style typique de l’école Mahayana dite du « grand véhicule », majoritaire en Chine et en Asie du Nord-Est, cause un choc : au Laos, où prédomine, comme en Thailande et en Birmanie, l’école Theravada dite du « petit véhicule », l’on représente le plus souvent l’Eveillé – la signification de « bouddha » en sanskrit – en position assise de méditation.
Les critiques ont aussitôt fusé sur les réseaux sociaux. « Ils devraient construire un Bouddha laotien, ou s’ils veulent le construire comme un symbole de la coopération entre les deux pays, alors qu’ils construisent deux statues de Bouddha – une chinoise et une laotienne côte à côte, a confié un résident de Vientiane au service en laotien de Radio Free Asia. S’ils se contentent de construire uniquement celui de la Chine, le Laos perdra la face ».
« Symbole de la souveraineté »
Pour Adisorn Semyaem, directeur du Centre d’études du Mékong à l’Université Chulalongkorn, à Bangkok, cité par le magazine Nikkei Asia, « il serait inacceptable pour les Laotiens qu’une grande statue soit construite dans la zone économique spéciale du marais de That Luang pour attirer le tourisme, non loin du stupa de Pha That Luang, le symbole de la souveraineté laotienne ».
En réalité, la distinction entre les deux écoles de bouddhisme est loin d’être aussi claire : il existe de nombreuses statues de bouddhas assis en Chine. Et au moins une dépêche de l’agence de presse laotienne citait, en août 2020, soit un an plus tôt, un responsable chinois évoquer une « statue en position assise » d’une centaine de mètres pour la zone économique chinoise. La question, selon les connaisseurs, a plus à voir avec le nationalisme laotien, face à une Chine qui multiplie les projets d’infrastructures dans ce petit pays de 7,5 millions d’habitants avec lequel elle partage une frontière.
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