C’était il y a une décennie. La crise financière de 2008 s’était progressivement transformée en crise souveraine dans la zone euro. L’Union européenne (UE) se découvrait à la merci des marchés financiers, divisée et incapable de réagir. « L’Europe croyait que ce type de crise n’arriverait pas, et elle n’était pas prête », explique au Monde Nicola Giammarioli. Aujourd’hui, l’Italien est secrétaire général du Mécanisme européen de stabilité (MES).
Cette institution méconnue en France, installée au Luxembourg, est l’équivalent d’une caserne de pompiers de la zone euro, créée en plusieurs étapes. D’abord dans la précipitation, à partir de juin 2010, puis de façon plus systématique depuis octobre 2012. Aujourd’hui, en cas de crise financière dans un des pays membres de la monnaie unique, elle est prête à mobiliser rapidement jusqu’à 410 milliards d’euros pour éteindre l’incendie (elle dispose de 80 milliards d’euros de fonds propres, et le reste peut être emprunté sur les marchés).
Jeudi 28 octobre, le MES va passer une étape supplémentaire. Le Sénat français doit débattre en première lecture de l’ajout d’une nouvelle prérogative à cette institution, concernant cette fois les conséquences d’une éventuelle panique bancaire. En cas de faillite d’une banque, la zone euro a mis sur pied, depuis 2016, le Fonds de résolution unique (FRU), financé par les banques elles-mêmes, qui dispose actuellement de 52 milliards d’euros. Si nécessaire, celui-ci peut venir à la rescousse d’un établissement. « Mais il peut y avoir une situation, lors d’une crise grave, où le sauvetage de plusieurs banques serait nécessaire, et où ce fonds serait insuffisant », explique M. Giammarioli. Pour éviter ce scénario, le MES pourra potentiellement voler au secours du FRU si l’argent venait à manquer.
Cinq Etats soutenus
La décision de principe de ce pouvoir supplémentaire a été prise fin 2020 par les ministres de l’économie de la zone euro, mais elle nécessite une ratification par tous les pays membres. Le processus, en France, devrait être achevé en novembre : après le passage du texte au Sénat, ce sera au tour de l’Assemblée nationale. La décision, technique, devrait y être votée sans obstacle. « Sept pays ont déjà procédé à la ratification, et nous ne prévoyons pas de problème majeur dans les autres Etats membres, estime M. Giammarioli. La ratification complète devrait être terminée d’ici à la fin de l’année. »
Dans la douleur, en prenant son temps, la monnaie unique aura donc réussi à mettre en place de très importants filets de sécurité, afin d’éviter une nouvelle crise existentielle. Avec un paradoxe : « Plus l’Europe est forte, moins le MES aura besoin d’être activé, explique le secrétaire général. Mais on ne supprime pas une caserne de pompiers parce qu’il n’y a pas de feu. »
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