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En Ouganda, les islamistes des ADF dans le viseur des autorités

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Des policiers ougandais enquêtent sur la scène de crime de l’explosion dans un bus, où au moins une personne est morte et plusieurs ont été blessées, près de Kampala, le 25 octobre 2021. AFP

Le « terrorisme intérieur » refait surface en Ouganda. D’après les premiers éléments de l’enquête livrés mardi 26 octobre par la police, les attaques qui ont visé, samedi, un restaurant du nord de Kampala et, deux jours plus tard, un bus qui circulait à une trentaine de kilomètres de la capitale ougandaise, ont toutes les deux été menées par des individus proches des insurgés islamistes des Forces alliées démocratiques (ADF).

Les assaillants « appartenaient à des cellules dormantes dans le pays », assure le communiqué diffusé par les forces de l’ordre. Ces dernières affirment avoir identifié le responsable présumé de l’attentat-suicide de lundi : présenté comme Isaac Matovu, le jeune homme de 23 ans vivait dans le quartier populaire de Kireka à Kampala et était connu des services de contre-terrorisme comme membre des ADF.

Ces attaques « confirment nos informations selon lesquelles les cellules des ADF en Ouganda ont considérablement recruté, radicalisé et étudié la fabrication de bombes artisanales » au cours des derniers mois, a déclaré lors d’une conférence de presse le porte-parole de la police, Fred Enanga.

« Les individus qui ont préparé ces engins explosifs appartiennent au même groupe », a-t-il affirmé, ajoutant que les attaques avaient été planifiées par Meddie Nkalubo, dirigeant ougandais des ADF connu sous le pseudonyme de « Bourreau », qui vit caché en République démocratique du Congo (RDC) depuis plusieurs années.

L’un des groupes armés les plus sanglants

Le président ougandais Yoweri Museveni a lui-même évoqué un lien entre l’attentat-suicide de lundi et une tentative déjouée le 27 août, lors des funérailles nationales de Paul Lokech, inspecteur général de la police. Deux suspects, rattachés par les autorités aux cellules des ADF à Kampala, avaient été arrêtés, et un troisième tué par les forces de l’ordre au début du mois d’octobre.

Issus d’une fusion entre plusieurs mouvements rebelles et des adeptes du Tabligh, une secte islamiste centrée sur la prédication et le prosélytisme, les ADF s’étaient fait connaître dans les années 1990 en Ouganda. Regroupant quelques centaines d’hommes, ils ont mené plusieurs opérations sanglantes.

Des attaques comme celle qui avait touché en juin 1998 l’Institut national technique de Kichwamba, dans l’ouest du pays : près de 80 étudiants avaient péri au cours de l’assaut, la plupart brûlés vifs dans leurs dortoirs.

Présents dans la région frontalière des monts Rwenzori, mais désormais essentiellement implantés dans l’est de la RDC, les ADF sont considérés aujourd’hui comme l’un des groupes armés les plus sanglants opérant en Ituri et dans les Kivus. Ils y sont tenus pour responsables de plusieurs milliers de morts civils. Des violences parfois revendiquées par le groupe djihadiste Etat islamique (EI).

« Autour de Kampala »

Depuis avril 2019, l’organisation – à laquelle Musa Seka Baluku, à la tête des ADF, avait prêté allégeance en 2016 –, considère en effet officiellement le groupe armé comme l’une des branches de sa « province d’Afrique centrale » (Iscap en anglais). C’est d’ailleurs l’EI qui a revendiqué l’explosion qui a fait un mort et plusieurs blessés dans un restaurant de la capitale ougandaise samedi 23 octobre.

Deux semaines plus tôt, l’EI avait endossé pour la première fois une action menée par ses membres en Ouganda : un attentat à la bombe dans un poste de police à Kawempe, au nord de Kampala. « C’était une attaque muette, sans victime, sans dégâts importants et sans couverture médiatique, mais cette revendication doit être prise au sérieux, estime Ignatius Bahizi, journaliste spécialisé des questions sécuritaires dans la région des Grands Lacs. C’est la première preuve de possibles connexions ou de la présence de cellules de l’Etat islamique à Kampala. »

Ces dernières années, l’Ouganda avait été relativement épargné par les attentats terroristes. « Mais des cellules des ADF, même dormantes, ont toujours été présentes dans le pays », affirme l’analyste en sécurité David Egesa. « Les recrutements proviennent en majorité des districts de Kasese et Bundibugyo [dans l’ouest de l’Ouganda], fief des ADF dans les années 1990, mais aussi autour de Kampala. Les suspects arrêtés ces derniers mois ont d’ailleurs des noms originaires de la région de la capitale », souligne Ignatius Bahizi.

La hausse des recrutements constatée par la police est confirmée par David Esega. Mais, selon l’analyste, ils ne reflètent pas une radicalisation religieuse. « Les jeunes rejoignent ces groupes par détresse sociale, à cause d’un contexte économique encore plus difficile depuis le Covid-19 », estime le chercheur.

Combien les ADF sont-ils aujourd’hui et de quels moyens disposent-ils ? La question est pour le moment impossible à trancher. Selon le porte-parole de la police, Fred Enanga, les explosifs utilisés samedi et lundi étaient extrêmement sommaires. En outre, ces attaques ont visé des sites facilement accessibles, « ce qui révèle le travail d’un groupe assez rudimentaire ». Toutefois, « nous pensons que [les terroristes] pourraient poursuivre un plan de plus grande ampleur et mener une attaque majeure », a mis en garde le porte-parole de la police.

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