Si des éléphants nés sans défenses sont parfois observés dans la nature, leur pourcentage a triplé en deux décennies dans un parc national du Mozambique. Des chercheurs ont publié une étude démontrant qu’il s’agissait d’une « sélection génétique » provoquée par le braconnage intense dans le pays pendant cette période. Une caractéristique qui ne serait pas sans conséquences. Explications avec 30millionsdamis.fr.
Chez les éléphants d’Afrique, les mâles et les femelles arborent de longues dents en ivoire – les fameuses « défenses » –, équivalentes à notre paire d’incisives latérales supérieures. Une caractéristique que l’on retrouve partout… ou presque : dans le parc national du Gorongosa (Mozambique), la plupart des pachydermes de sexe féminin sont étrangement dépourvus de défenses. Or, ce pays du sud-est de l’Afrique a connu – entre 1977 et 1992 – une guerre civile au cours de laquelle 90 % des éléphants ont été massacrés pour leur ivoire et pour leur viande. Une étude parue dans la revue Science (22/10/2021), a déterminé le rôle du braconnage – déjà suspecté mais jusque-là non-quantifié avec précision – dans cette surprenante disparité.
En comparant des images d’archive et des recensements de pachydermes avant et après la guerre civile, les chercheurs ont constaté que le pourcentage de femelles dépourvues de défenses avait triplé, passant de 18,5 % à 51 % en deux décennies. A l’aide de méthodes statistiques, ils ont démontré que ce phénomène ne relevait pas du hasard, mais d’une « sélection génétique » due au braconnage. Au sein des populations d’éléphants, les auteurs de l’étude ont identifié deux gènes impliqués dans le développement des dents, des mutations de ces gènes pouvant causer l’absence de défenses chez les animaux à l’âge adulte. Les chasseurs ayant tué les pachydermes pourvus d’ivoire, la survie relative des individus porteurs des mutations liées à la morphologie « sans défense » – et les transmettant à leur descendance – s’en est trouvée améliorée.
Déséquilibre entre les sexes
Les auteurs de l’étude soulignent toutefois que les mutations génétiques – portées par le chromosome X – associées aux femelles sans défenses s’avèrent létales pour les mâles, avant même la naissance. Ainsi, les mères sans ivoire donnent vie à deux-tiers de femelles et à seulement un tiers de mâles en moyenne (contre un ratio de 50/50 normalement observé, NDLR). Aux craintes liées à ce déséquilibre entre les sexes s’ajoute l’impact direct de cette morphologie sur les individus : « Les défenses ne sont pas seulement ornementales. Elles ont un rôle [creuser la terre pour trouver de l’eau, racler l’écorce des arbres pour s’en nourrir, NDLR], explique Shane Campbell-Staton, biologiste de l’évolution à l’Université de Princeton (Etats-Unis), cité par Science News. Si un éléphant n’a pas l’outil pour faire ces choses, alors que se passe-t-il ? »
Si des études sont en cours afin d’en savoir plus sur le comportement des pachydermes concernés (affaire à suivre, donc !), le cas des éléphants du Gorongosa vient tristement illustrer la « double peine » infligée aux animaux victimes des activités humaines, qui non seulement en subissent les impacts directs – mortalité, groupes sociaux déchirés, stress, traumatismes… – mais également les conséquences néfastes de leur adaptation forcée !
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