Avril 2018. Des gendarmes mobiles tirent des grenades lacrymogènes et assourdissantes lors de la dernière opération d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Mais le rossignol, sur les trois buissons qui constituent son territoire, continue de chanter. Il a traversé « deux fois la Méditerranée et le Sahara alors qu’il pèse 20 grammes », donc il tient bon. Cette scène est tirée de La Recomposition des mondes (Seuil, 2019), la dernière bande dessinée d’Alessandro Pignocchi, surnommé « l’anthropologue dessinateur » par sa maison d’édition.
Attiré à la ZAD pour des raisons intellectuelles, Alessandro Pignocchi, qui a quitté le monde de la recherche universitaire pour celui de la bande dessinée à l’aquarelle, y a découvert une nouvelle gamme d’affects et un « autre rapport au monde » dans lequel les plantes, les animaux et le territoire dialoguent d’égal à égal. Il est aussi l’auteur d’une trilogie remarquée, Petit traité d’écologie sauvage (Steinkis), qui adopte la cosmogonie animiste des Indiens jivaro pour nous montrer, parfois cruellement, l’absurdité de notre civilisation occidentale.
Nous le rencontrons un matin au Jardin des plantes, à Paris, là où, enfant, il suivait avec sa mère les balades ornithologiques du professeur de sciences naturelles Jacques Penot. Sous le regard sévère de la statue de Charles Darwin, il raconte ses passions : les oiseaux, le dessin, sa mère, l’Amérique du Sud, les Jivaro, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Où avez-vous grandi ?
Je suis né à Athènes, mais j’ai ensuite habité à Rome jusqu’à l’âge de 6 ans. De cette enfance romaine, j’ai gardé des souvenirs de mon école maternelle, une école peu orthodoxe, où nous étions livrés à nous-mêmes sur une colline boisée et fleurie dans une ambiance un peu hippie. L’arrivée en France a été un arrachement. Nous nous sommes installés avec ma mère à Paris, dans le 11e arrondissement, dans le quartier de la Folie-Méricourt – qui n’était pas encore le quartier bobo qu’il est devenu. C’en était fini des prairies et des bois. J’étais assis dans une salle de classe.
Vous vous êtes pris de passion pour les oiseaux dès votre plus jeune âge ?
A Paris, Jacques Penot, professeur de sciences naturelles, organisait des balades ornithologiques le mercredi et le dimanche matin au Jardin des plantes, auxquelles participaient essentiellement des dames retraitées, et moi, petit enfant de 7 ans, qui y traînais ma mère, jumelle à la main pour essayer de reconnaître les espèces. J’avais la mémoire et l’ouïe d’un enfant, donc mon apprentissage a été rapide. Bientôt, cela ne m’a plus suffi et j’ai rejoint le Centre ornithologique d’Ile-de-France.
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