Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, s’est adressé, lundi, pour la première fois aux investisseurs depuis le début des “Facebook files”. L’entrepreneur a cherché à minimiser l’impact de ce scandale aux multiples révélations en assurant que Facebook allait régler ses problèmes en séduisant davantage les jeunes. Une stratégie difficile à comprendre.
Le salut viendra des jeunes ou ne viendra pas. Mark Zuckerberg, le PDG fondateur de Facebook, a insisté, lundi 25 octobre, sur l’importance de ramener et garder les moins de 25 ans dans le giron de Facebook, Instagram, et WhatsApp, lors de la présentation des résultats financiers du troisième trimestre, lundi 25 octobre.
Une prise de parole très attendue. Mark Zuckerberg n’avait pas encore eu l’occasion de s’expliquer devant les investisseurs depuis le début des “Facebook files”, ce flot continu de révélations depuis près d’un mois sur les dysfonctionnements du réseau social.
Seigneur d’une forteresse assiégée
Mais le contenu des documents internes à Facebook transmis à de multiples médias par la lanceuse d’alerte Frances Haugen n’a été qu’effleuré par le PDG du géant de la Silicon Valley. Il a mis ces révélations sur le compte d’un “effort coordonné pour sélectionner certains documents qui ont fuité afin de donner une fausse image du groupe”.
C’est donc en seigneur d’une forteresse assiégée que Mark Zuckerberg s’est présenté devant ceux qui comptent le plus pour la bonne santé financière du groupe : les investisseurs. Face à eux, il s’est voulu rassurant. Les scandales sur Facebook utilisé comme plateforme pour propager la haine un peu partout dans le monde, sur Instagram qui peut se révéler dangereux pour la santé mentale des adolescent(e)s ou alors sur le tout-puissant algorithme qui échappe peu ou prou au contrôle de ses créateurs à l’intérieur de Facebook, n’auraient pas d’impact sur les profits de l’empire des réseaux sociaux.
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Après tout, ce n’est pas la première fois que Facebook affronte des vents médiatiques contraires. Le scandale Cambridge Analytica – impliquant une fuite massive de données – et celui sur la campagne de propagande russe avant l’élection présidentielle américaine de 2016 n’avaient pas ébranlé la confiance des annonceurs et des marchés financiers, rappelle la chaîne américaine CNN.
Cette fois, on pourrait croire que le même scénario est à l’œuvre : le chiffre d’affaires est en hausse de 35 % sur un an, les profits de 17 %, et Facebook, Instagram et WhatsApp comptent même 12 % d’utilisateurs en plus.
Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. L’autre est plus sombre : le réseau social a enregistré “une hausse de son chiffre d’affaires moins importante que prévu par les investisseurs, et le nombre d’utilisateurs actifs mensuels est également inférieur aux attentes”, souligne Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché pour le cabinet de conseil financier IG France, contacté par France 24.
Apple et les jeunes en ligne de mire
Des déceptions financières qui n’auraient rien à voir avec un éventuel effet “Facebook files” veut croire Mark Zuckerberg. Pour lui, les seuls nuages à l’horizon s’appellent Apple et TikTok. Le premier à cause de sa nouvelle politique de protection des données sur l’iPhone qui rend la publicité ciblée – cœur de métier de Facebook – beaucoup plus difficile. Le second parce qu’il est plus populaire auprès des jeunes.
Mark Zuckerberg ne peut pas faire grand chose pour contrer Apple, qui est le seul à avoir son mot à dire sur les règles du jeu sur iPhone. En revanche, il peut tenter de contester à TikTok la couronne de roi des réseaux sociaux pour les jeunes.
Les documents internes à Facebook fournis par Frances Haugen indiquent que le groupe américain a conscience, depuis bien longtemps, de ne plus être l’idole des jeunes. Le nombre d’adolescents qui se connectent à la vénérable plateforme née en 2003 est en chute de 13 % depuis 2019 et devrait baisser de 45 % dans les deux prochaines années, souligne le site The Verge, qui a pu avoir accès, grâce aux “Facebook files”, aux recherches internes du groupe sur ce thème.
La raison de ce désamour tient au fait que les jeunes trouveraient Facebook “ennuyeux” et peuplé de “parents” et autres adultes. D’où les annonces de Mark Zuckerberg, qui a dévoilé une enveloppe de près de 10 milliards de dollars pour développer la présence de Facebook dans la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la création d’un métavers (c’est-à-dire des mondes virtuels persistants). Il a aussi annoncé qu’il voulait rebâtir Facebook de fond en comble pour être plus adapté aux attentes des jeunes adultes.
Il y aurait de quoi redonner de l’allant à Facebook. La réalité virtuelle et le métavers ne sont pas qu’un écran de fumée pour tenter de détourner l’attention des scandales à répétition, c’est aussi “une manière pour le PDG du groupe de montrer qu’il peut toujours innover et renouveler son offre face au défi du vieillissement de son audience”, estime Alexandre Baradez.
La preuve de la limite de l’algorithme roi
Mark Zuckerberg essaie ainsi de convaincre les investisseurs que les quelques contre performances viennent simplement du fait que le groupe “est en phase de transition pour se réinventer et que cela demande du temps”, poursuit l’analyste d’IG France.
Mais balayer ainsi l’impact des “Facebook files” d’un revers de la main constitue une erreur d’appréciation, estime Alexandre Baradez. La preuve par l’action : depuis mi-septembre – période à laquelle les révélations ont débuté – le titre a perdu plus de 8 % en Bourse. “Dans le panier des Gafam [Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft], c’est la valeur qui a perdu le plus, ce qui suggère qu’il y a bien un effet scandale”, analyse ce spécialiste des marchés financiers.
Pour lui, tout est dans le timing de ces révélations. Elles interviennent alors que “les investisseurs ont déjà des doutes sur la capacité de Facebook à retenir son public le plus lucratif : les jeunes”, note Alexandre Baradez. Les “Facebook files”, en dévoilant la face obscure de la cuisine interne du réseau social et tous les dysfonctionnements liés au culte de l’algorithme, arrivent comme la goutte qui peut faire déborder le vase. Ces révélations insinuent un doute supplémentaire dans l’esprit des boursicoteurs : “Mark Zuckerberg est-il capable d’améliorer l’image de marque et le fonctionnement de son groupe ?”, résume l’analyste.
La volonté du PDG de Facebook de minimiser l’impact de ce nouveau scandale ne ferait qu’aggraver la situation. “Il y a un grand écart entre la réaction de Facebook et ce que les investisseurs perçoivent, et le groupe va devoir corriger ce décalage pour rassurer”, affirme Alexandre Baradez.
Pour l’instant, la seule initiative prise par Facebook est de lancer un os à ronger aux actionnaires. Le réseau social a annoncé un gigantesque plan de 50 milliards de dollars de rachats d’actions pour 2021. “C’est une manière d’inciter les investisseurs à garder leurs actions car ils vont mécaniquement gagner en valeur [puisqu’il y en aura moins en circulation, NDLR]”, explique Alexandre Baradez. Mais pour lui, “ce type d’initiative ne dure qu’un temps, et les cadeaux financiers ne peuvent pas combler tous les trous dans l’édifice Facebook”.
Il juge qu’une des priorités pour Mark Zuckerberg serait de corriger l’image d’un réseau social soumis au “bon plaisir d’algorithmes froids”. Ce n’est pas seulement pour remettre un peu de chaleur humaine dans le royaume de Facebook, mais aussi parce que toutes les révélations des “Facebook files” démontrent que les algorithmes ne sont pas omniscients.
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