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EnquêteFacebook Files | Des documents internes à l’entreprise, auxquels « Le Monde » a eu accès, éclairent d’un jour nouveau la réponse du réseau social face à l’attaque du siège de la démocratie américaine, le 6 janvier.
Il est midi à Washington, ce 6 janvier 2021, lorsque Donald Trump monte à la tribune, sous les applaudissements de plusieurs dizaines de milliers de ses supporteurs. Tous sont venus défendre « leur » président, qui a perdu l’élection mais en conteste – sans preuve – les résultats. Dans la foule, aux côtés de militants de groupes violents comme les Proud Boys, des milliers d’Américains qui ont répondu à l’appel d’un slogan largement diffusé sur les réseaux sociaux : « Stop the steal » (« Arrêtez ce vol [électoral] »).
A 12 h 20, face à une foule déjà très remontée, le président sortant incite ses soutiens à marcher sur le Capitole, où les députés et les sénateurs américains sont en train de procéder à la certification des votes. Une étape de routine du protocole électoral, mais que Donald Trump croit pouvoir faire annuler. « Je sais que tout le monde ici se mettra bientôt en route vers le Capitole, pour manifester pacifiquement et patriotiquement et faire entendre vos voix », annonce-t-il. Le message est très clairement reçu par les éléments les plus violents de la foule ; huit minutes plus tard, la police du Capitole signale que plus de 10 000 personnes descendent les grands boulevards de la capitale fédérale en direction du bâtiment.
Les « Facebook Files », une plongée dans les rouages de la machine à « likes »
Les « Facebook Files » sont plusieurs centaines de documents internes à Facebook copiés par Frances Haugen, une spécialiste des algorithmes, lorsqu’elle était salariée du réseau social. Ils ont été fournis au régulateur américain et au Congrès, puis transmis par une source parlementaire américaine à plusieurs médias, expurgés des informations personnelles des salariés de Facebook. En Europe, ces médias sont, outre Le Monde, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, les chaînes de télévision WDR et NDR, le Groupe Tamedia, Knack, Berlingske et l’OCCRP.
Ils montrent que Facebook consacre davantage de ressources à limiter ses effets néfastes en Occident, au détriment du reste du monde. Ils attestent que ces effets sont connus en interne mais les signaux d’alerte pas toujours pris en compte. Enfin, ils prouvent que les algorithmes de Facebook sont devenus d’une complexité telle qu’ils semblent parfois échapper à leurs propres auteurs.
Au même moment, les compteurs s’affolent dans les centres de modération de Facebook et d’Instagram. D’après des milliers de pages de documents internes au réseau social, récupérés par Frances Haugen, une ancienne employée, et transmis par une source parlementaire américaine à plusieurs médias, dont Le Monde, le nombre de signalements de contenus incitant à la violence commence à exploser sur Instagram comme sur Facebook.
Le déroulement de la journée va illustrer des erreurs d’anticipation de la part du réseau social, malgré un plan d’action préparé en amont. Mais aussi sa capacité à réagir très rapidement, avec des protocoles d’urgence mis en place en quelques heures, et dont les effets sur l’énorme mécanique algorithmique du réseau social sont difficiles à prévoir, même pour les meilleurs ingénieurs de l’entreprise.
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« Sur Instagram, nous avons connu un pic à environ 4 000 signalements par heure pour désinformation, quatre fois plus que la veille », note un rapport interne diffusé le 7 janvier, « et sept fois plus de signalements pour violence ou incitation à la violence qu’en temps normal. (…) Une grande partie des messages les plus signalés pour incitation à la violence étaient ceux de Donald Trump, ou étaient des vidéos de Donald Trump », résument les analystes du réseau social. Sur Facebook, les chiffres sont d’un tout autre ordre de grandeur : les signalements pour violence ont été multipliés par sept, le 6 janvier, mais sont six fois plus nombreux au total que sur Instagram.
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