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ReportageCe mégacomplexe qui devait accueillir immeubles d’habitations, commerces et parc d’attraction est à l’arrêt, comme la plupart des chantiers du promoteur en difficulté. Un exemple de la bulle immobilière qui gonfle dans le pays.
Assis autour de petites tables rondes, les agents immobiliers d’Evergrande passent le temps : certains discutent, cigarette aux lèvres, quand d’autres sont penchés sur leurs smartphones. Derrière sa façade de fausses maisons à colombages, style conte de fées, la grande salle d’exposition du promoteur immobilier le plus endetté du monde compte bien quelques clients, mais ils sont venus régler des problèmes administratifs.
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Hu Cui, la trentaine, tailleur bleu, tend une série de contrats à une femme un peu plus âgée à lunettes rondes. La cliente, venue signer, fait grise mine : il y a un an, elle a payé la totalité de son appartement un peu plus de 9 000 yuans (environ 1 212 euros) du mètre carré. Maintenant, Evergrande brade certains appartements du même complexe à 6 000 yuans le mètre carré… « Mais, même à ce prix-là, personne n’en veut », précise l’agent immobilier. L’appartement de cette cliente devait être livré en mai. Mais les ouvriers ont déserté les dizaines d’immeubles en construction qui jouxtent un gigantesque projet de parc d’attractions, à Jurong, une petite ville à l’est de Nankin, dans le Jiangsu.
Dans le parc à thème désert de Jurong (Chine), le 19 octobre 2021. RAUL ARIANO POUR « LE MONDE »
Etranglé par une dette équivalant à 260 milliards d’euros, le promoteur Evergrande est aux abois depuis deux mois. Vendredi 22 octobre, le groupe a évité de peu le défaut de paiement formel en payant in extremis 83,5 millions de dollars (environ 71,2 millions d’euros) à des investisseurs étrangers, après avoir manqué une échéance un mois plus tôt.
Ce répit ne résout pas les problèmes de fond de l’entreprise, qui a déjà manqué plusieurs autres échéances sur ses dettes, et doit également rembourser des fournisseurs impayés, terminer des appartements que ses clients ont payés à l’avance, souvent en intégralité. Ces dernières semaines, d’autres promoteurs surendettés, comme Sinic, Fantasia, ou Modern Land, ont, eux aussi, fait défaut sur des échéances importantes.
Au bord du gouffre
La gigantesque « ville culturelle et touristique Evergrande », à Jurong, donne à voir les raisons qui ont mené le promoteur – et une partie du secteur immobilier chinois – au bord du gouffre. En 2017, alors que les prix de la pierre connaissent une nouvelle hausse spectaculaire en Chine, Evergrande lance quinze projets associant parc d’attractions et immobilier résidentiel à travers la Chine.
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A Jurong, Evergrande acquiert 134 hectares de terrain. La moitié doit servir à construire le parc d’attractions, l’autre à bâtir 56 immeubles. Du parc, seules quelques dizaines de maisons, comme sorties de dessins animés, sont terminées : elles accueillent le centre de vente et quelques restaurants, tous fermés. Une supérette baissera le rideau définitivement à la fin du mois. « Plus personne ne vient, il n’y a plus d’argent. Je vais rentrer chez moi », témoigne la seule vendeuse, d’une cinquantaine d’années, originaire de l’Anhui, une province pauvre à l’ouest du Jiangsu.
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