Au Mali, la désignation officielle du Haut Conseil islamique (HCI) comme instance chargée de « négocier avec les djihadistes maliens », confirmée mardi 19 octobre par le gouvernement de transition, vient formaliser une situation existante depuis plusieurs années. Le pouvoir malien a, depuis 2017, exprimé sa volonté d’ouvrir des tractations avec les islamistes armés, affiliés à Al-Qaida, qui n’ont cessé d’accroître leur rayon d’action dans le nord et le centre du pays. Dans le même temps, le HCI, trait d’union entre les autorités politiques et les associations religieuses, avait déjà multiplié les contacts.
Sous la direction de son ancien patron, l’imam Mahmoud Dicko, cette structure avait notamment négocié, dès 2012, des libérations de soldats. Le religieux wahhabite se présentait alors comme le meilleur outil pour « ramener dans le droit chemin ses frères égarés », en premier lieu Iyad Ag Ghali, l’émir du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans, et son lieutenant Amadou Koufa à la tête de la katiba Macina.
Passé depuis 2019 sous la férule de Chérif Ousmane Madani Haïdara, un prédicateur de rite malikite, très populaire au Mali, le HCI n’a pas perdu son statut de facilitateur. Mais ce rôle n’avait pas été formellement officialisé, ni par l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé en août 2020, qui ne croyait guère au dialogue avec les djihadistes, ni par les premières autorités de transition qui ont laissé ce projet en jachère. Cette fonction lui est désormais ouvertement reconnue, le HCI ayant, selon une source interne, reçu son mandat le 14 juillet par courrier du ministre des affaires religieuses et du culte.
Position de faiblesse
« Nous allons trouver une solution malienne pour éviter que le sang des Maliens ne coule encore. Nous allons nous asseoir sans intermédiaire », promet Moufa Haïdara, premier secrétaire du HCI. Ce dernier ne dit pas quand pourraient débuter les discussions, ni quel en sera le périmètre. « Nous allons discuter de tout. Il y a des lignes rouges mais elles n’ont pas encore été fixées par le gouvernement. L’essentiel, c’est que nous avons en commun des liens du sang et la fraternité entre musulmans », avance-t-il en gage de compromis. Iyad Ag Ghali, lui, a été plus explicite sur ses conditions pour la paix : le départ des troupes étrangères, notamment françaises, du Mali et l’application de la charia, la loi islamique.
Face aux islamistes armés, les autorités de transition se présentent en position de faiblesse, sans reconquête territoriale à opposer, dans une forme de capitulation qui ne dit pas son nom. « L’une des limites de ce dialogue est que la finalité recherchée et l’offre que peut produire le gouvernement n’ont pas été définies, s’inquiète Baba Dakono, secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité. Une autre est de placer cette question entre les mains des religieux alors que le problème ne peut être réduit à cette dimension. »
La perspective de ces négociations avec les chefs djihadistes risque d’éloigner encore davantage Paris de Bamako, dans un contexte de tension autour de la possible arrivée de mercenaires russes au Mali. Par pression diplomatique ou par sortie publique – « pas de dialogue et de compromission » avec les chefs djihadistes, exhortait en juin Emmanuel Macron –, la France s’est jusqu’ici efforcée de dissuader les Maliens d’avancer dans cette voie. Mais nul ne peut affirmer qu’elle en a encore les moyens.
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