Ancienne championne de France sur route, consultante TV saluée et accessoirement compagne du champion du monde Julian Alaphilippe, Marion Rousse vient d’être nommée, à 30 ans, directrice du nouveau Tour de France Femmes. Portrait.
Cette fois, elle a retenu ses larmes, savourant la dernière ligne droite mais contenant son émotion, analysant la course jusqu’à la ligne d’arrivée avec un professionnalisme à saluer. Et puis, tout de même, elle a posé le casque, pour sortir de la cabine et aller embrasser devant les caméras son double champion du monde de compagnon.
Le 26 septembre dernier à Louvain (Belgique), Marion Rousse a encore passé un dimanche à part. Parce qu’elle commentait en direct sur France Télévisions l’épreuve en ligne des Mondiaux de cyclisme, l’une des courses les plus attendues de l’année, et parce que c’est l’homme qui partage sa vie, Julian Alaphilippe, qui est encore allé s’emparer du célèbre maillot arc-en-ciel. Mais la Nordiste de 30 ans a prouvé qu’elle pouvait jongler sans aucun souci avec ces deux casquettes. Ou plutôt, les empiler.
Ce jeudi, à l’occasion de la présentation du Tour de France Femmes 2022 (24-31 juillet) au Palais des Congrès de Paris, Marion Rousse en enfilera une de plus. Il y a quelques jours, ASO, la société organisatrice, a en effet annoncé sa nomination comme directrice de l’événement.
« Si l’épreuve a vocation à devenir la course de référence du cyclisme féminin, il était évident de faire appel à la meilleure ambassadrice de ce sport, connue et appréciée du grand public comme des experts », a justifié Christian Prudhomme, directeur du Tour de France Hommes. Et l’intéressée, déjà directrice adjointe du Tour de La Provence, de se réjouir: « Le cyclisme féminin a beaucoup évolué ces dernières années, mais il manquait une course à étapes de référence avec une réelle résonance médiatique. (…) J’ai été très fière qu’on pense à moi pour m’occuper de ce Tour de France Femmes avec Zwift, et surtout parce que nous souhaitons faire le maximum pour que des petites filles rêvent d’y participer. »
Une reconversion précoce, et réussie
Marion Rousse sait de quoi elle parle. Car son enfance, elle l’a passée sur un vélo. Fille de Didier, un coureur aguerri, et cousine de David Lefèvre, Laurent Lefèvre et Olivier Bonnaire, trois anciens professionnels, la petite Ch’ti se met à mouliner dès six ans, et enchaîne les compétitions pendant des années, jusqu’à passer « professionnelle ». Un joli mot pour décrire des filles à peine payées au smic (elle en parlera dans un portrait de Libération en 2017) et habituées au système D.
Toujours est-il qu’en 2012, sous les couleurs de Vienne-Futuroscope, Rousse la blonde devient championne de France sur route, et chez les Espoirs, et chez les Elites. Invitée à cette occasion sur le plateau d’Eurosport, elle s’y fait particulièrement remarquer. Aussi, l’année suivante, en 2013, la chaîne spécialisée fait appel à ses services pendant le Tour d’Espagne. Le début d’un autre chapitre.
Pendant deux ans, Marion Rousse – passée entre-temps chez Lotto – poursuit sa carrière en parallèle à ses activités télévisuelles. Mais en 2015, à 24 ans, elle raccroche le vélo pour se consacrer au consulting. Parce qu’elle vient de passer deux décennies assise sur une selle, parce qu’elle a besoin d’un nouveau challenge, et sans doute aussi parce que la reconnaissance obtenue dans le cyclisme féminin n’est pas à la hauteur des sacrifices.
Après plusieurs expériences sur Eurosport, France Télévisions la recrute en 2017 pour commenter le Tour de France, aux côtés d’Alexandre Pasteur et Laurent Jalabert. Discrète la première année, Rousse prend peu à peu de l’épaisseur, elle s’affirme à l’antenne, n’hésite pas à débattre avec ses camarades, à confronter son point de vue à celui de l’expérimenté « Jaja ». Décrite comme bosseuse, elle profite aussi de son réseau dans le peloton pour gratter quelques infos, quelques anecdotes, et les distiller en direct.
Epargnée par le sexisme… jusqu’en septembre 2020
Bref, la pionnière – aucune femme n’avait commenté le Tour de France Hommes avant elle – se fait respecter par le public et par ses confrères. Ce qui n’était pas gagné dans un milieu longtemps (toujours?) machiste, comme en témoignent de récentes affaires de harcèlement, notamment chez France TV. « Est-ce que j’ai souffert du sexisme? Non, ou très peu, assure-t-elle sur le plateau de C à Vous en septembre 2020. Pour être honnête, quand on m’a proposé ce rôle de consultante et donc de devenir la première femme à parler de courses cyclistes masculines, j’étais la première à angoisser, je ne voulais pas être un stéréotype, un quota, la fille qu’on met là juste parce que ça fait bien. Ça me tenait à coeur de montrer aux gens que j’étais là parce que j’ai été cycliste professionnelle, que j’ai souffert sur un vélo et que j’étais capable d’en parler aussi bien qu’un homme. J’ai bossé dur pour cela. »
A-t-elle parlé trop vite ? Quelques jours après ce passage sur France 5, Marion Rousse – qui a toujours assumé sa féminité et a même été hôtesse sur les podiums du Tour – voit L’Humanité publier une caricature relativement offensante à son encontre, puisqu’elle y apparaît en lingerie, sur un lit, tendant un micro à un Julian Alaphilippe surexcité. « Désabusée », la consultante ne se laisse pas faire. « Il faut n’avoir aucun respect des femmes, de la femme, pour rabaisser à ce niveau six ans de consulting sportif à la télévision », tacle-t-elle sur Twitter. Face au tollé, le journal présente ses excuses, retire la caricature et stoppe sa collaboration avec le dessinateur Espé.
Sa vie privée, l’ancienne championne de France n’en a pourtant jamais fait un secret. Très active sur les réseaux sociaux, elle y annonce début 2020 sa rupture avec Tony Gallopin (maillot jaune sur le Tour de France 2014) après douze ans de relation et environ six ans de mariage. Quelques semaines plus tard, elle y officialise donc son nouveau couple avec Julian Alaphilippe, le plus populaire des coureurs tricolores actuels.
« Est-ce que c’est difficile de rester objective avec Julian? Oui et non, disait-elle l’an dernier. Forcément j’ai un peu plus d’émotions quand ça le concerne, mais je suis professionnelle, je pense que les gens se foutent de savoir que je suis la copine de Julian. Je suis là pour faire mon travail, apporter le plus d’informations possibles aux spectateurs. Je prends mon métier au sérieux. » Et ce malgré des journées de plus en plus remplies. Car en plus de la télé, en plus du Tour de France Femmes, Marion Rousse est depuis le mois de juin la maman d’un petit Nino.
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