LETTRE DE VIENNE
« Le directeur peut exclure à 100 % qu’il y ait eu des sondages manipulés ou une couverture médiatique indulgente en échange de publicités. [Dans cette affaire], nous sommes des victimes et pas des criminels. » Mercredi 13 octobre, c’est avec ce petit encart intitulé « Explications » que Wolfgang Fellner, directeur du groupe de presse autrichien Österreich, s’est défendu, dans ses propres colonnes, des infamantes accusations de « trafic d’influence » et de « corruption » qui planent sur lui, son frère Helmuth et l’ensemble de leurs médias dans le cadre de l’« affaire des publicités » qui a coûté, samedi 9 octobre, son poste au chancelier Sebastian Kurz.
Cet encadré a été publié juste en dessous de l’article du quotidien Österreich et de son pendant gratuit Oe24 relatant l’arrestation, la veille, de la directrice de l’institut de sondage Research Affairs au cœur du scandale. Ni l’article ni l’encadré ne précisaient au lecteur que cet institut est en réalité depuis des années le partenaire des deux publications, et que sa directrice est précisément suspectée de leur avoir fourni des sondages financés par le contribuable, en partie « truqués » pour favoriser le leader du parti conservateur ÖVP. Tout cela en échange d’une campagne de publicité du ministère des finances, évaluée par le parquet anticorruption à au moins 1,3 million d’euros…
Si l’affaire a brutalement coupé la carrière de Sebastian Kurz, forcé de démissionner samedi 9 octobre à 35 ans, elle secoue aussi comme jamais le groupe des « frères Fellner » en mettant au jour les méthodes contestées de ces deux sexagénaires, papivores de la presse tabloïd.
Connus pour avoir créé, dès la fin des années 1960, un journal d’école devenu ensuite le plus gros tirage de la presse jeunesse du pays – il a été revendu à prix d’or à la fin des années 1980 –, les deux frères ont ensuite fondé News, une sorte de Paris-Match autrichien, un autre succès d’édition, puis ont lancé, en 2006, le groupe Österreich, dont le navire amiral, Österreich, est librement inspiré du quotidien populaire américain USA Today, et destiné à s’attaquer à l’empire du Krone Zeitung, le plus puissant des tabloïds européens avec un taux de pénétration de près de 25 % des lecteurs de ce pays de 8,8 millions d’habitants.
Captation de l’argent public
Avec leurs titres racoleurs, leurs articles courts et leurs grandes photos, ainsi que leurs relations ambiguës avec le pouvoir politique, les deux titres de la « presse de boulevard » – comme on dit en allemand – se partagent les mêmes lecteurs et se livrent à une guerre médiatique et judiciaire impitoyable. Les deux journaux sont aussi une affaire de famille… Face au couple Dichand, propriétaire de Krone, Wolfgang Fellner, 67 ans, est associé à son frère cadet Helmut, au rôle plus opaque de « chargé des affaires commerciales », et à son fils Nikki, rédacteur en chef.
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L’article En Autriche, les méthodes douteuses de la presse tabloïd révélées par « l’affaire des publicités » est apparu en premier sur zimo news.