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Nigeria : un an après le mouvement contre les violences policières, « rien n’a vraiment changé »

Une femme passe devant un graffiti contre les violences policières dans une rue de Lagos, au Nigeria, le 11 octobre 2021. PIUS UTOMI EKPEI / AFP

Monsurat Ojuade venait de fêter ses 18 ans lorsqu’un policier l’a abattue « sans aucune raison » lors d’une intervention des forces de sécurité dans son quartier de Lagos, raconte sa grande sœur, Omolara Ojuade, la voix encore tremblante. Sa mort, survenue le 11 septembre, a beaucoup fait parler ces dernières semaines au Nigeria, le pays s’apprêtant à commémorer le mouvement #EndSARS contre les violences policières, qui avait secoué les grandes villes du sud du pays et été réprimé dans le sang en octobre 2020.

Le décès de Monsurat Ojuade illustre la persistance de ces violences dans le pays le plus peuplé d’Afrique. Il est aussi un constat d’échec pour la jeunesse nigériane, dont la mobilisation massive et historique n’a pas suffi à réformer en profondeur une institution gangrenée par la corruption et l’impunité.

« C’était un vendredi soir, nous étions en train de fermer notre boutique lorsque nous avons vu des jeunes courir, explique Omolara Ojuade, jointe au téléphone par l’AFP. Paniquées, nous nous sommes précipitées dans notre maison, et c’est là qu’un policier a tiré. » Si l’officier a été radié de la police depuis et fait face à un procès pour « meurtre », pour la famille de Monsurat Ojuade, impossible d’en rester là. « Les policiers au Nigeria ne sont pas formés correctement, sinon comment un officier peut-il entrer chez quelqu’un et tirer sans aucune raison ?, interroge sa sœur. Est-ce que #EndSARS a servi à quelque chose ? »

« Des changements cosmétiques »

Un an après, ils sont nombreux à se poser cette question au sein de la jeunesse nigériane. Le mouvement #EndSARS (« En finir avec la SARS ») avait initialement débuté pour dénoncer les brutalités et abus de la SARS, une unité spéciale de la police accusée depuis des années de racketter la population, d’arrestations illégales, de torture et même de meurtres. Face à la pression populaire, les autorités avaient démantelé l’unité et promis de réformer la police, mais la jeunesse, peu convaincue par les promesses du gouvernement, avait continué sa contestation, très vite réprimée.

« Un an après, rien n’a vraiment changé. Il n’y a eu que des changements cosmétiques dans la police, affirme à l’AFP Damian Ugwu, chercheur à Amnesty International. Les extorsions, les mauvais traitements et les exécutions extrajudiciaires, tout cela est toujours présent au sein des forces de police. » Il y a bien eu quelques formations, mais aucune réforme profonde. L’armée et la police restent sous-financées et la rémunération de leurs agents toujours trop faible.

Aux carrefours de Lagos, les contrôles de police ont repris et, avec eux, « le racket par des agents corrompus », dénonce Femi, chauffeur de taxi : « Il faut toujours leur donner un billet. Et si tu refuses, ils te créent des problèmes. » En dehors de la capitale économique, à certains barrages de police, des agents, qui ne portent pas toujours l’uniforme, n’hésitent pas à utiliser des gourdins ou même des fouets pour menacer les automobilistes, a constaté une journaliste de l’AFP. Juste après le mouvement, les policiers « avaient peur de retourner dans les rues », mais depuis quelques mois « ils sont de retour et les abus ont repris de plus belle », affirme Rinu Oduala, l’une des figures de #EndSARS.

La jeune femme de 22 ans – suivie par plus de 300 000 utilisateurs sur Twitter – a lancé en septembre Connect Hub, une ONG qui vise à documenter les cas de violences policières « pour montrer au monde pour quoi nous nous battons ». « En l’espace d’un mois, plus de 100 cas nous ont été rapportés, allant de plaintes pour extorsion à des viols ou même des meurtres », affirme la jeune femme. Ni le gouvernement ni la police n’ont réagi aux sollicitations de l’AFP à ce sujet.

« C’est Dieu qui finira par les punir »

Si la violence persiste, c’est surtout parce que « le problème principal, l’impunité, n’a pas été soulevé », souligne Damian Ugwu, d’Amnesty International. Depuis un an, « un petit nombre de policiers seulement ont été poursuivis par la justice », ajoute le chercheur. Et comme un pied de nez au mouvement, les responsables de la tuerie au péage de Lekki, le site emblématique des manifestations à Lagos, où l’armée avait tiré à balles réelles le 20 octobre 2020 sur des manifestants, n’ont toujours pas été traduits en justice.

Cette nuit qui a marqué la fin des manifestations, Legend Agboola Onileowo « ne pourra jamais l’oublier ». L’homme de 29 ans était au péage « lorsque l’armée est arrivée et a tiré sur une foule qui agitait des drapeaux ». Selon Amnesty International, au moins dix manifestants y ont été tués. Legend Agboola Onileowo dit avoir vu de ses yeux au moins quatre morts et cinq ou six blessés par balles.

Mais un an après, alors que le panel judiciaire chargé d’enquêter sur cette tuerie n’a toujours pas publié ses conclusions et que les responsables de l’armée, plusieurs fois convoqués, se sont fait porter pâle, le jeune homme « n’attend plus rien du gouvernement ». « C’est Dieu qui finira par punir les responsables », lance-t-il, dépité.

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Le Monde avec AFP

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