Lorsque la police éthiopienne a fait irruption aux portes de l’Intellectual School d’Addis-Abeba ce matin du 10 août, Aslan (prénom modifié), l’un des professeurs, a d’abord pensé à une « énième tentative d’intimidation ». Mais le ton ne souffrait, ce jour-là, aucune objection. « Allez-vous-en tout de suite !, ordonnèrent les policiers fédéraux, les armes à la main, l’école est désormais sous notre responsabilité. » En une journée, les autorités éthiopiennes ont suspendu les activités de l’Intellectual School et de dix autres établissements affiliés au mouvement Hizmet : le vaste réseau éducatif et humanitaire du prédicateur turc Fethullah Gülen ne compte désormais plus aucune école en Ethiopie.
Cet ancien allié de Recep Tayyip Erdogan, devenu ennemi juré du président turc, est accusé d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 en Turquie. Depuis, le pouvoir turc cherche par tous les moyens à démanteler le réseau Hizmet dans le monde. En Ethiopie, cela aura pris un peu plus de deux ans. Après leur saisie, les onze établissements ont été transférés à la Fondation Maarif, mise en place par Ankara pour se substituer à la confrérie de Fethullah Gülen.
Une semaine plus tard, le 18 août, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, se rendait dans la capitale turque. Recep Tayyip Erdogan s’y félicitait du transfert des établissements et remerciait son homologue pour son « combat contre le terrorisme ». Les deux hommes en profitaient pour signer un important accord de coopération militaire, dont les détails n’ont pas été rendus publics.
Investisseur important
Aslan voit dans ces dates rapprochées le signe d’une entente plus large entre Addis-Abeba et Ankara. « L’enfant du vice-premier ministre éthiopien était scolarisé dans notre établissement et d’un jour à l’autre le gouvernement nous qualifie d’organisation terroriste, s’étonne-t-il. Cela montre bien qu’il y avait plus important sur la table des négociations. »
Plusieurs sources diplomatiques évoquent l’existence d’un contrat de livraison de drones à l’Ethiopie. Ce que les gouvernements turc et éthiopien ont pour l’instant systématiquement démenti. Abiy Ahmed, englué dans la guerre civile au Tigré depuis presque un an, ne cache pourtant pas son besoin d’acquérir des drones. De leur côté, les rebelles tigréens du Front populaire de libération du Tigré (FPLT) signalent l’utilisation intensive de ces aéronefs depuis plusieurs semaines.
L’agence de presse Reuters indique que le montant des ventes d’armes entre la Turquie et l’Ethiopie a explosé cette année : les exportations dans les domaines de la défense et de l’armement sont passées de 203 000 dollars (environ 175 000 euros) à 51 millions de dollars. Le 20 août, un inhabituel avion-cargo en provenance de Turquie s’est posé sur la base militaire éthiopienne d’Harar Meda pour y décharger sa cargaison.
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