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Edmond Ntungwe, oncle paternel de Caroluise Enondiale, montre un photo de la fillette sur son téléphone portable. JOSIANE KOUAGHEU
Mike voyait chaque matin « la belle petite Caro partir à l’école ». Quand il a serré dans ses bras son cadavre, « elle n’avait presque plus de tête », dit-il en effleurant sa vieille casquette : « La balle tirée par le gendarme avait emporté une partie de ses cheveux, de son cerveau. »
Caroluise Enondiale avait 4 ans. Jeudi 14 octobre, elle a été tuée alors qu’elle se rendait à l’école en voiture à Buea, chef-lieu de la région du Sud-Ouest, au Cameroun. Le gendarme qui a tiré sur elle a été lynché à mort. Un drame qui fait craindre une nouvelle poussée de violences dans cette région anglophone plongée dans la guerre civile depuis 2017.
Toute la journée, le « petit corps incomplet » de la fillette a été porté par la foule à travers Buea. Du bureau du gouverneur aux principaux carrefours, des heures durant, la ville « a marché, pleuré, chanté de rage, crié de colère, appelé Dieu notre père », témoigne Mike, qui se présente comme un ami de la famille. « C’était comme la fin du monde. Je n’avais jamais vu ça. »
Dans la maison de famille, un oncle de Caroluise, Edmond Ntungwe, a les yeux rivés sur le téléphone où s’affiche la photo d’une fillette souriante en uniforme rose et blanc, cartable sur le dos et gourde accrochée au cou. « Hier matin [mercredi], “Nunu” me disait encore au revoir dans cette cour, confie-t-il en pointant un espace ombragé. Elle partait avec ses sœurs et sa mère pour l’école catholique. »
« Ce n’est pas ma femme qui conduisait », précise le père de la petite, Nelsen Ndiale Enongene, réfugié au Maryland (Etats-Unis) après avoir quitté le Cameroun en août 2018, au plus fort de la guerre : « Elle n’a pas de voiture, n’en a jamais eu. Elle avait pris un chauffeur pour faire le trajet. »
« Des malfrats déguisés »
D’après un communiqué du ministère de la défense, le véhicule a été arrêté à un poste de filtrage de la gendarmerie nationale : « Refusant d’obtempérer, le conducteur a poursuivi sur sa lancée en accélérant pour s’échapper. » Il a été rattrapé par deux gendarmes, puis « le ton est inexplicablement monté ». Le conducteur se serait « fermement opposé à la fouille de son véhicule, au point d’engager une nouvelle manœuvre de fuite ».
Dans une réaction « inappropriée, inadaptée à la circonstance et manifestement disproportionnée », précise le texte, l’un des gendarmes a procédé à des tirs de sommation, au « mépris du sacro-saint principe de précaution ». Caroluise est morte sur le coup.
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