Covid-19, pénurie des semi-conducteurs, baisse des ventes, suppressions de postes, transition vers les véhicules électriques… Chez les industriels de l’automobile Renault et Stellantis, l’accumulation des incertitudes plombe le moral des salariés français, « loin d’être sortis du tunnel », rapportent les syndicats.
« L’avenir à court terme est très imprévisible. (…) Les salariés n’en voient pas le bout, ça génère beaucoup d’inquiétude, d’angoisse et de risques psycho-sociaux », s’alarme auprès de l’AFP Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT de Stellantis.
Dans les usines touchées par le chômage partiel, les salariés ne savent s’ils travaillent que « la veille pour le lendemain », critique-t-elle. « Les constructeurs apprennent au tout dernier moment les semi-conducteurs dont ils vont disposer », a expliqué Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA, qui rassemble la filière automobile en France), sur BFM Business.
Le manque de composants électroniques, « personne ne s’attendait à ce que ça prenne une ampleur pareille », souligne Frédéric Lemaytch, syndicaliste CFTC à l’usine Stellantis de Poissy (Yvelines).
« On arrête des équipes complètes. C’est du jamais-vu » et « on est loin d’être sortis du tunnel », craint-il. « Il va falloir que les choses évoluent, sinon l’élastique va finir par craquer », prévient-il.
– « Plongée dans l’inconnu » –
À côté de cette « crise conjoncturelle » d’approvisionnement, « qui s’étale dans le temps », l’industrie automobile doit affronter une « phase structurelle très lourde de transformation à la fois de son produit et de son modèle » vers la neutralité carbone, rappelle Bruno Azière, secrétaire national de la CFE-CGC Métallurgie.
Dans l’usine de Renault à Cléon, en Seine-Maritime, le 6 juin 2017 (AFP/Archives – CHARLY TRIBALLEAU)
Or pour fabriquer un moteur électrique, il faut « six à sept fois moins de pièces que pour un moteur thermique », précise Gabriel Artero, président de cette fédération syndicale. Et « 3,5 fois moins de temps », complète un professionnel du secteur. Avec « moins de personnels », ajoute un autre.
« Ça plonge dans l’inconnu des salariés », qui déjà « payent par de la flexibilité » la situation chaotique actuelle, relève M. Lemaytch.
« Les salariés sont inquiets à juste raison », estime Mme Virassamy. Chez Stellantis, « tous les sites sur activité thermique entendent tout le temps qu’ils vont disparaître » et la direction renvoie au prochain « plan stratégique » attendu fin 2021 ou début 2022, indique-t-elle.
– « Pressions dans tous les sens » –
Chez Renault, la nouvelle stratégie est connue depuis janvier. Objectifs de cette « Renaulution »: baisse du nombre de véhicules produits, hausse de la rentabilité, nouveaux véhicules 100% électriques. Mi-septembre, syndicats et direction ont démarré les négociations d’un accord social pour la période 2022/24 en France. Au programme: temps de travail, formation, effectifs.
Si la direction dit vouloir « développer ses activités à forte valeur ajoutée » dans l’Hexagone et y embaucher 2.500 personnes, dont 2.000 pour ses usines, elle veut aussi supprimer 1.600 postes dans l’ingénierie et 400 dans les fonctions support. Deux activités déjà frappées par 2.500 suppressions d’emplois dans le plan d’économies lancé au printemps 2020 par Renault, un groupe en difficulté avant la pandémie.
A l’usine Renault de Sandouville, près du Havre, le 22 mai 2020 (AFP/Archives – LOU BENOIST)
« Dans l’ingénierie, le climat est compliqué. Il y a des pressions dans tous les sens », se tourmente un syndicaliste sous couvert de l’anonymat.
Au centre technique d’essais de moteurs de Lardy (Essonne), « du travail a été retiré, des projets supprimés. Il y a de très fortes incertitudes pour une partie des salariés. On est inquiets pour la santé de certains qui ne vont vraiment pas bien », alerte Florent Grimaldi, délégué CGT du site. Ceux chargés de la mise au point « des derniers moteurs thermiques ou hybrides sont surchargés de travail », mais ils sont « sans perspectives » car la direction « ne sait pas leur garantir l’avenir ».
Côté production, malgré les embauches annoncées, « c’est très tendu » à l’usine de Cléon (Seine-Maritime), où le personnel a débrayé deux fois ce mois-ci à cause des négociations sociales en cours, signale William Audoux, responsable CGT.
À Sandouville (Seine-Maritime), l’usine a fermé vendredi « pour 15 jours d’affilée », alors que « les carnets de commande sont remplis (…). Les salariés s’inquiètent », pointe Fabien Gloaguen, délégué FO. Quant aux intérimaires, qui « ne bénéficient pas » de l’accord sur le chômage partiel, « ils ne seront pas payés ».
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