Un mois après la vente annulée de douze sous-marins français à l’Australie, l’Elysée a demandé au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de coordonner un large travail d’introspection sur les causes de cet échec, a pu recouper Le Monde auprès de plusieurs sources, confirmant une information de l’Opinion. Un exercice de « retex » (retour d’expérience) aussi sensible que politique dans la période actuelle, sur des domaines qui touchent autant à la diplomatie, à l’industrie de défense, qu’aux exportations d’armement, de partage de la technologie nucléaire, ou qu’au renseignement.
Selon nos informations, la décision a été prise en conseil de défense, le 21 septembre. Soit une semaine après l’annonce surprise de la naissance « d’Aukus », cette nouvelle alliance stratégique entre Canberra, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui a abouti à l’annulation du contrat entre Naval Group et les Australiens. L’objectif est de tirer tous les enseignements du sabordage de cette vente qui avait été âprement négociée depuis 2016, avant de faire l’objet d’une signature en bonne et due forme, en 2019, pour un montant de 8 milliards d’euros, côté français (sur un total de 31 milliards d’euros).
Multiplication des signaux d’alerte
Les éventuels angles morts du renseignement extérieur français feront notamment partie des sujets examinés. Depuis l’éclatement de l’affaire, le 15 septembre, la question est régulièrement posée : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) aurait-elle dû mieux orienter ses capteurs alors que les signaux d’alerte se multipliaient ? Le pouvait-elle techniquement et avait-elle les ressources humaines nécessaires ? Le 6 octobre, son directeur général, Bernard Emié, a été entendu par la commission des affaires étrangères et de la défense, mais l’audition s’est tenue à huis clos et ne fera pas l’objet d’un compte rendu.
De manière plus générale, l’efficacité des moyens d’intelligence et de renseignement en matière économique est un sujet de préoccupation récurrent au sein des cercles régaliens. En décembre 2020, ce sujet a même fait l’objet d’un audit de l’inspection des services de renseignement, dont le rapport est classifié. Le renseignement économique au titre de la « protection des intérêts industriels et scientifiques majeurs de la nation » a concerné, lui, entre 2019 et 2020, 60 % des demandes de mise en œuvre de techniques de renseignement (interception, recueil de données, géolocalisation, etc.) de la DGSE.
Au-delà du domaine du renseignement, que certains observateurs considèrent comme un aspect annexe de cette affaire, l’exercice de retour d’expérience demandé par l’Elysée devrait être l’occasion de passer en revue de manière plus large les autres faiblesses du modèle français de souveraineté qui ont potentiellement conduit à la crise. Que ce soit sous ses aspects industriels, militaires, commerciaux, numériques ou politiques. Le SGDSN, rattaché au premier ministre, a l’habitude de ces grands exercices interministériels.
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