Autrefois devancée par les Etats-Unis, la Russie ou l’Europe, la Chine entend rattraper son retard. Elle a lancé sa plus longue mission habitée dans l’espace au cours de laquelle trois astronautes, dont une femme, doivent séjourner six mois dans la station spatiale chinoise en construction. Leur vaisseau Shenzhou-XIII (« Vaisseau divin ») a été propulsé durant la nuit à 00 h 23 (18 h 23 vendredi à Paris) par une fusée Longue-Marche 2F, depuis le centre de lancement de Jiuquan, dans le désert de Gobi, selon des images diffusées en direct par la télévision publique CCTV.
Les trois astronautes vont séjourner à environ 350-400 km d’altitude à bord de Tianhe (« Harmonie céleste »), le seul module déjà en orbite sur les trois qui constitueront à terme la station spatiale. Leur mission consistera principalement à poursuivre sa construction et à vérifier ses différents équipements. Ils réaliseront par ailleurs au cours de leur séjour « deux ou trois sorties dans l’espace », a précisé l’Agence chinoise des vols spatiaux habités, CMSA.
Les cours de physique de Wang Yaping
De gauche à droite, Ye Guangfu, Zhai Zhigang et Wang Yaping. JU ZHENHUA / AP
L’équipage comprend Zhai Zhigang, 55 ans, issu de la première promotion d’apprentis astronautes chinois, à la fin des années 1990. Il sera le commandant de cette nouvelle mission à laquelle participeront également Wang Yaping, 41 ans, dont c’est le deuxième séjour dans l’espace, et Ye Guangfu, 41 ans également. Tous sont militaires et membres du Parti communiste chinois (PCC).
Connue pour avoir donné lors de son précédent séjour un cours de physique en direct à 60 millions d’écoliers grâce à une liaison vidéo, Wang Yaping renouvellera l’expérience lors de cette mission. Elle deviendra également la première Chinoise à effectuer une sortie dans l’espace.
Leur séjour permettra de doubler le précédent record de durée pour une mission habitée chinoise, établi en septembre par les astronautes de la mission précédente, Shenzhou-XII, qui étaient restés trois mois dans le module Tianhe. « Le fait d’être pendant six mois en apesanteur, ça sera certainement éprouvant. Pour nous, au niveau physique et mental, mais aussi pour les équipements », a souligné jeudi devant la presse le commandant Zhai Zhigang.
« La raison de ce séjour prolongé, c’est pour gagner en expérience en matière de missions longue durée », explique à l’Agence France-Presse Erik Seedhouse, professeur spécialisé dans les opérations spatiales à l’université d’aéronautique Embry-Riddle, aux Etats-Unis. « La principale difficulté pour les astronautes, ça va être de maintenir leur masse musculaire et de réduire leur perte osseuse » dans un environnement en apesanteur qui affaiblit les organismes, souligne-t-il.
« La Chine ne va pas réinventer la roue » avec Shenzhou-XIII, note Chen Lan, analyste du site Go-Taikonauts!, spécialisé dans le programme spatial chinois. « Cela ne constituera pas un grand défi pour la Chine, car ses technologies sont maintenant assez mûres. Mais toute opération dans l’espace est par essence un défi… »
Cette mission est la cinquième sur les onze (habitées et non habitées) qui seront nécessaires au total à la construction de la station spatiale chinoise, qui devrait être achevée à la fin de 2022. Appelée Tiangong (« Palais céleste »), elle sera semblable en taille à l’ancienne station soviétique Mir (1986-2001).
Les deux autres modules constituant la station, nommés Mengtian et Wentian (des laboratoires) seront lancés l’an prochain et arrimés à Tianhe. Ils permettront de mener des expériences en biotechnologie, en médecine ou en astronomie. La station devrait avoir une vie de dix ans.
La Chine vise la Lune vers 2030
L’ambition chinoise de bâtir une station a été nourrie par le refus américain d’accepter des Chinois dans la Station spatiale internationale, fruit d’une collaboration entre Etats-Unis, Russie, Canada, Europe et Japon. La CMSA a de nouveau assuré jeudi que des astronautes étrangers pourraient se rendre dans Tiangong.
La Chine investit depuis plusieurs décennies des milliards d’euros pour rattraper les autres puissances spatiales. Elle est devenue en mai le deuxième pays, après les Etats-Unis, à faire évoluer sur Mars un petit robot. La Chine avait également été la première à poser un engin sur la face cachée de la Lune, au début de l’année 2019.
L’an passé, elle avait rapporté des échantillons lunaires et rendu Beidou, son système de navigation concurrent du GPS américain, complètement opérationnel. Elle a placé jeudi en orbite autour de la Terre son premier satellite d’observation du Soleil. A un horizon plus lointain, Pékin prévoit d’envoyer des humains sur la Lune (vers 2030) et d’y construire une base avec la Russie.
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