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En Méditerranée orientale, la France face à l’inexorable montée en puissance de la Russie

A bord de la frégate française « Aconit », au large de Chypre, le 29 octobre 2021. JEAN-MARC TANGUY

Dans les eaux sensibles du canal de Syrie, une frégate battant pavillon français fait depuis de longs mois presque partie du paysage. Mais l’Aconit et ses 170 membres d’équipage sont loin d’être en terrain conquis dans cette partie la plus orientale de la mer Méditerranée, un étroit couloir de 180 kilomètres longeant d’une part les côtes chypriotes, de l’autre les littoraux syrien, libanais et israélien.

Dans cette zone, l’Aconit – sur laquelle la marine nationale a autorisé l’embarquement de plusieurs médias dont Le Monde, fin septembre – est en effet aux avant-postes de deux phénomènes qui progressent en parallèle depuis 2015 de façon préoccupante, aux yeux des militaires : la guerre en Syrie d’une part, et l’affirmation de la Russie d’autre part. Le tout au milieu des allers et venues de navires turcs pas toujours très accommodants, et de la présence de plus en plus visibles, de bateaux iraniens.

« Nous ne sommes pas inquiets, nous sommes vigilants », résume le commandant de cette frégate furtive légère, Nicolas du Chéné. Sur le papier, l’Aconit a une mission principale : contribuer, à partir de la mer, à l’opération « Chammal », volet français de l’intervention dans la zone irako-syrienne menée par les Etats-Unis et une coalition de soixante-dix pays contre l’organisation Etat islamique (EI). Une mission de renseignement menée au moyen des capteurs radars et électromagnétiques dont dispose la frégate, ainsi que par l’intermédiaire de son hélicoptère qui vole une à deux fois par jour.

Ces moyens techniques permettent à l’Aconit d’avoir un œil sur les décollages et les atterrissages d’avions de chasse, notamment depuis la ville syrienne de Lattaquié ou sur les déplacements des navires, civils ou militaires, entrant et sortant des ports syriens. En clair, de veiller sur tous les appuis militaires ou les ravitaillements éventuels du régime de Bachar-Al-Assad (carburants, armes, etc.).

La liberté de navigation de plus en plus contestée

Cette mission de renseignement de l’Aconit est doublée d’une autre, dite de « souveraineté ». Autrement dit, l’ambition de naviguer sans relâche dans ce petit périmètre, quitte à faire des ronds dans l’eau, afin de défendre une valeur devenue de plus en plus contestée et chère aux yeux de la France et de ses alliés : la liberté de navigation. Dans cet étroit canal de Syrie, un certain nombre de spécialistes redoutent, en effet, le développement d’une nouvelle zone contestée aux accès limités, appuyée par la Russie.

De jour comme de nuit, au rythme des quarts de l’équipage et du brouillage du GPS, l’Aconit a ainsi les yeux rivés sur un point devenu névralgique : le port de Tartous. La Russie n’a pas d’accès direct à la Méditerranée, mais, depuis 2013, elle opère de plus en plus depuis ce port syrien où une concession a même été négociée en 2019, donnant un accès complet à ses navires de guerre. Un basculement géostratégique passé relativement inaperçu du grand public, mais dont la marine française documente au jour le jour la montée en puissance.

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