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EnquêteGioacchino Campolo, roi des machines à sous truquées et champion du blanchiment, est mort en juin, à l’âge de 82 ans. Son immense patrimoine comprenait notamment un appartement à Paris, qui, en accord avec la justice italienne, a été récupéré par la France.
C’est un petit appartement tranquille, fenêtre sur cour, idéal pour qui recherche la discrétion. Un refuge au cœur de Paris, occupé depuis ce printemps par une quadragénaire d’origine marocaine, rescapée d’une vie de souffrances aux mains d’un réseau de proxénétisme. Ballottée depuis l’adolescence des bas-fonds d’Istanbul jusqu’aux rues de Belgrade, Skopje, Vienne et Paris, elle entame sa délicate reconstruction dans ce deux-pièces de 40 m2 situé dans l’un des quartiers les plus cossus de la capitale. Le précédent occupant, un Italien, appréciait lui aussi le calme du lieu et la proximité avec les joailliers de la place Vendôme, chez qui il payait cash, lui qui voyageait toujours avec des valises de billets. Le « signor Campolo » aimait arpenter la capitale française incognito, lors de brèves vacances, loin des tourments de son fief, la ville de Reggio de Calabre, à l’extrême sud de l’Italie.
Là-bas, Gioacchino Campolo, décédé en juin à l’âge de 82 ans alors qu’il était aux arrêts domiciliaires, était surnommé « le roi du vidéo poker ». Depuis les années 1970, cet « entrepreneur » à la carrure de boxeur poids lourd et aux sourcils broussailleux avait fait des machines à sous, truquées par ses soins, un juteux monopole. Les initiés l’affublaient aussi d’un autre surnom, « l’uomo lavatrice » (« l’homme machine à laver »). Il faut dire qu’il n’avait pas son pareil pour blanchir l’argent de plusieurs familles de la ’Ndrangheta, la mafia locale, en particulier celui des cosche (« clans ») Stefano et Libri, parmi les plus puissants de Reggio. Allié zélé de leur prospérité, il bénéficiait, en retour, de leur protection.
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Ne pouvant se prévaloir d’une quelconque hérédité criminelle, Campolo grenouillait dans cette zone grise où se mêlent économies réelle et souterraine, cols blancs et hommes de main. En fidèle complice des clans, il savait user de la menace pour assurer à la fois le recyclage de l’argent sale et son train de vie de nabab. Détenteur de 27 comptes en banque, il était le propriétaire, direct ou indirect, de 260 maisons, terrains et locaux commerciaux. Un « hédoniste », un « collectionneur »… Ainsi le définissent les enquêteurs qui ont participé à sa traque.
Confiscations préventives
Sa chute remonte à 2010, année de sa condamnation à seize ans de prison pour « extorsion aggravée au moyen de méthodes mafieuses », au terme de plus d’une décennie de filatures. Au moment de saisir ses biens, les enquêteurs italiens constatent qu’un seul se trouve hors du pays : l’appartement parisien, estimé en 2019 à 560 000 euros. « Pour les mafieux de la ‘Ndrangheta, Paris est généralement une destination d’affaires, détaille Gaetano Paci, procureur adjoint de Reggio de Calabre. Mais pour Campolo, qui adorait la capitale française et ses boutiques de luxe, c’était un pied-à-terre, un investissement personnel pour son bon plaisir. »
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