La justice américaine a inculpé jeudi un ancien pilote d’essai de Boeing, accusé d’avoir induit en erreur le régulateur de l’aviation aux Etats-Unis au cours du processus de certification du 737 MAX, dont deux appareils se sont écrasés faisant 346 morts.
Mark Forkner, 49 ans, « a fourni à l’agence des informations fausses, inexactes et incomplètes sur une nouvelle partie du système de contrôle des commandes de vol du Boeing 737 MAX », le MCAS, justifie le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le régulateur, la FAA, n’avait en conséquence pas exigé de référence dans la formation des pilotes au MCAS, un logiciel censé empêcher l’avion de partir en piqué et impliqué dans les deux accidents.
Boeing a déjà reconnu sa responsabilité dans la manipulation des autorités et accepté en janvier de verser plus de 2,5 milliards de dollars pour solder certaines poursuites. Le géant aéronautique avait alors reconnu que deux de ses employés avaient induit en erreur la FAA.
M. Forkner est le premier individu poursuivi personnellement au pénal dans cette affaire.
– Problèmes en simulateur –
Selon les documents de l’accusation, le responsable avait découvert en 2016 un important changement effectué sur le MCAS.
Dans un message à un collègue révélé en 2019, il avait notamment indiqué que le logiciel rendait l’avion difficile à piloter en simulateur.
Un Boeing 737 MAX 9 à Renton le 12 mars 2019 (AFP/Archives – Jason Redmond)
Mais il a délibérément choisi de ne pas partager ces informations avec la FAA, ce qui avait conduit le régulateur à ne pas exiger de formation spécifique des pilotes et à ne pas inclure de référence au MCAS dans les documents de formation.
« En gros, ça veut dire que j’ai menti aux régulateurs », écrivait alors M. Forkner à son collègue.
Le responsable s’était aussi vanté de pouvoir tromper ses interlocuteurs de la FAA pour obtenir la certification du système anti-décrochage MCAS.
– « Enjeux élevés » –
Le 737 Max a été formellement homologué en mars 2017 et a fait son premier vol commercial quelques semaines plus tard.
En octobre 2018, un appareil de la compagnie Lion Air s’écrase en mer peu après son décollage, tuant les 189 personnes à bord.
Le logo de Boeing à Renton le 20 avril 2020 (AFP/Archives – Jason Redmond)
En mars 2019, le crash d’un 737 MAX de la compagnie Ethiopian Airlines fait 157 morts.
Lors des deux incidents, le logiciel de commandes de vol, le MCAS, s’était emballé sur la base d’informations erronées transmises par une des deux sondes de l’appareil.
C’est seulement en octobre 2018, après le premier crash, que la FAA a eu connaissance « de détails clés » sur le MCAS.
Tous les 737 Max ont été cloués au sol en mars 2019 avant d’être de nouveau autorisés à revoler aux Etats-Unis fin 2020, une fois les logiciels modifiés.
M. Forkner, 49 ans, a été officiellement inculpé par un grand jury au Texas de deux chefs d’accusation pour fraude impliquant des pièces aéronautiques et de quatre chefs d’accusation pour fraude par communication électronique.
S’il est reconnu coupable, il risque théoriquement jusqu’à 100 ans de prison.
« M. Forkner a caché des informations essentielles au régulateur pour tenter d’économiser de l’argent pour Boeing », a commenté un procureur fédéral du Texas, Chad Meacham, dans le communiqué.
« Le ministère de la Justice ne peut pas tolérer une telle fraude, surtout dans un secteur où les enjeux sont aussi élevés », a-t-il ajouté.
Sollicité par l’AFP, Boeing n’a pas souhaité faire de commentaires.
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